Actualité Politique

ÉVITEMENT DE LA DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Les députés de Bennoo s’embourbent dans leurs tripatouillages

 

Le Président du groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar, Abdou Mbow, a promis d’introduire une proposition de loi visant à empêcher le président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. Majoritaires à l’hémicycle et très déterminés à saboter l’action du gouvernement du Premier Ministre Ousmane Sonko, tout laisse croire que les députés de BBY et alliés vont adopter cette loi avant le 31 juillet 2024, date supposée de la fin des deux premières années de législature. Le blocage des institutions pourrait alors avoir lieu. Au cas où le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye refuserait de promulguer la loi, le Président de l’Assemblée Amadou Mame Diop pourrait le faire en vertu de l’article 75 de la Constitution. Néanmoins, il se posera un problème d’applicabilité car le Président de l’Assemblée n’est pas habilité à signer des décrets et le Journal officiel reste rattaché à l’Imprimerie nationale et à la Primature.

 Par ABLAYE DIALLO

Le président du Groupe parlementaire BBY Abdou Mbow soutenu par ses collègues Seydou Diouf, président de la Commission des finances, Farba Ngom et d’autres responsables de l’Alliance pour la République s’activent pour faire passer une loi empêchant le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, élu avec plus de 54% des suffrages, de dissoudre l’Assemblée nationale. Les parlementaires de BBY multiplient les rencontres pour la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale pour faire voter, dans le cadre d’une procédure d’urgence, la proposition de loi très controversée. D’ici le 31 juillet 2024, tout porte à croire que les députés vont s’empresser pour faire passer leur loi pour empêcher le président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale. « Les députés de Yewwi Askan Wi ont fait une erreur monumentale en faisant savoir à leurs collègues de Benno que l’Assemblée pourrait être dissoute le 31 Juillet. Une proposition de loi peut être déposée le matin et communiquée au Président de la République. Tout peut être enrôlé en 10 jours. Après les travaux de commissions, les députés de Benno peuvent convoquer la plénière. Les délais leur sont favorables », nous confie un constitutionnaliste bien au fait des manœuvres politiciennes des ténors de BBY pour arriver à leur fin.

L’article 87 est assez explicite sur la procédure pour la dissolution de l’Assemblée nationale : « Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale. Toutefois, la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de législature. Le décret de dissolution fixe la date du scrutin pour l’élection des députés. Le scrutin a lieu soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus après la date de publication dudit décret. L’Assemblée nationale dissoute ne peut se réunir. Toutefois, le mandat des députés n’expire qu’à la date de la proclamation de l’élection des membres de la nouvelle Assemblée nationale ». Néanmoins, l’article 87 n’a pas de clauses intangibles comme ceux énumérées dans l’article 103 de la Constitution. Les députés de BBY peuvent bien faire passer leur proposition de loi en vertu de l’article 78 qui indique que « les lois qualifiées organiques par la Constitution sont votées et modifiées à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Elles ne peuvent être promulguées si le Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi par le Président de la République, ne les a déclarées conformes à la Constitution ».

La fin de la rationalisation parlementaire

Au cas où les députés de BBY et alliés largement majoritaires à l’Assemblée adoptent la proposition de loi, ce sera la fin de ce que les constitutionnalistes appellent « la rationalisation parlementaire ». Un déséquilibre entre le parlement et l’Exécutif. L’Assemblée nationale est une instance éminemment politique. « Le nouveau régime veut moderniser l’Assemblée et mettre de l’éthique dans le travail parlementaire. C’est dommage de constater que les politiciens professionnels sont majoritaires dans cet hémicycle. Ils jouent à se faire peur. Espérons qu’ils ne votent pas cette loi. D’ici 3 jours, on en aura le cœur net. Si la proposition de loi pour empêcher la dissolution de l’Assemblée est adoptée avant le 31 juillet, cela équivaut quasiment à un changement de la nature régime », alerte un professeur agrée en Droit qui a voulu garder l’anonymat en attendant les actes que vont poser les responsables de BBY. Il précise : « Il y a des régimes présidentiels où l’Assemblée nationale n’a pas d’armes majeures contre l’Exécutif. C’est ce qu’on appelle la rationalisation parlementaire. Elle consiste à équilibrer les pouvoirs. L’Assemblée peut renverser le gouvernement mais le Président peut dissoudre l’Assemblée nationale. Dans la Constitution, il y a une réalité, la motion de censure ne peut être votée qu’une seule fois par an ».

Les conditions d’applicabilité d’une promulgation d’une loi par le Président de l’Assemblée nationale inexistantes

Au cas où le Président de la République refuserait de promulguer la loi, ce serait un acte de gouvernement. Personne ne pourra contester cet acte. Les députés ne pourront pas aller à Cour suprême aux fins de contester un excès de pouvoir. Il s’agit en fait d’un acte injusticiable. C’est un acte insusceptible de recours pour excès de pouvoir devant la Cour suprême. En seconde considération, si le Président de la République refuse de promulguer une loi, la Constitution prévoit que c’est le Président de l’Assemblée nationale qui y pourvoit de droit. L’article 74 de la Constitution stipule que « le Conseil constitutionnel peut être saisi d’un recours visant à faire déclarer une loi inconstitutionnelle : par le Président de la République dans les six jours francs qui suivent la transmission à lui faite de la loi définitivement adoptée, par un nombre de députés au moins égal au dixième (1/10) des membres de l’Assemblée nationale, dans les six jours francs qui suivent son adoption définitive ». L’article 75 précise : « Le délai de la promulgation est suspendu jusqu’à l’issue de la seconde délibération de l’Assemblée nationale ou de la décision du Conseil constitutionnel déclarant la loi conforme à la Constitution. Dans tous les cas, à l’expiration des délais constitutionnels, la promulgation est de droit ; il y est pourvu par le Président de l’Assemblée nationale ». Mais, la Constitution ne dit pas comment le Président de l’Assemblée nationale y pourvoit de droit. Au Sénégal, il y a une loi qui fixe les conditions d’applicabilité des lois. La loi stipule qu’il faut l’insérer au Journal Officiel pour que la loi soit opposable aux citoyens. Si la Constitution dit que le Président de l’Assemblée peut promulguer une loi mais il ne peut pas prendre de décret. Ce qu’il peut faire, c’est prendre un arrêté de bureau. Il n’y a pas à l’heure actuelle de textes qui indiquent comment le Président de l’Assemblée promulgue les lois. Mieux encore, le Journal Officiel est rattaché à l’Imprimerie nationale. Celle-ci est rattachée à la Primature. Comment le Président de l’Assemblée peut avoir accès au Journal officiel ? Les textes ne disent pas comment le Président de l’Assemblée y pourvoit de droit. C’est une disposition inopérante. Les textes nous disent comment le Président de la République promulgue et publie. En fait, c’est la promulgation et la publication qui peuvent permettre qu’une loi entre en vigueur. Il n’y pas de texte qui indique les conditions d’applicabilité d’une promulgation d’une loi par le Président de l’Assemblée nationale.

Articles similaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires