Après les mesures punitives inhumaines, la Direction rétropédale et entame des négociations avec les grévistes
Le 1er aout 2024, les travailleurs de Sabadola Gold Operations (SGO) se sont mis en grève pour réclamer à leur employeur le paiement d’heures supplémentaires sur la base d’un accord d’établissement signé par les deux parties en 2016. Lawrence Manjengwa, Vice-président Endeavour Mining (maison mère de Sabadola Gold Operations), en charge des opérations au Sénégal, avait pris dans la foulée pour des mesures punitives avec une suspension des contrats de travail des grévistes, leur exclusion des logements à Sabadola et Massawa et une privation des repas fournis par l’entreprise. Suite à l’intervention de l’Inspecteur régional du travail et de la Sécurité sociale de Kédougou et deux sages de la région mandatés par Mme le Gouverneur et des agents du ministère des Mines, la Direction de SGO a levé ses sanctions et entamé les négociations avec les grévistes qui ont d’ailleurs levé le mot d’ordre dans la nuit du 05 août.
Par ABLAYE DIALLO
Lawrence Manjengwa, Vice-président Endeavour Mining (maison mère de Sabadola Gold Operations) en charge des opérations Sénégal, s’était montré vindicatif à l’encontre de ses employés en grève pour réclamer le paiement d’heures supplémentaires sur la base d’un accord d’établissement signé par les deux parties en 2016. En effet, dans une note interne de l’entreprise minière spécialisée dans l’exploitation de l’or, il avait écrit : « Tel que prévu par la réglementation en vigueur, toute participation au mouvement de grève suspend temporairement le contrat de travail et, par conséquent, les avantages associés, y compris le logement et les repas fournis par les camps de Sabadola et Massawa ». Avant d’ajouter : « En aucun cas, l’exercice du droit de grève, ne peut s’accompagner d’occupation des lieux de travail ou de leurs abords immédiats. Par conséquent, j’appelle tous les travailleurs grévistes à quitter leurs chambres attribuées pendant la durée de la grève ceci en application des dispositions prévues par le Code du Travail. Afin d’assurer la sécurité des travailleurs, des bus seront mis à disposition pour transporter le personnel gréviste vers leur lieu de résidence à partir de 07h00 (matin) le 02 août. Nous vous prions de bien vouloir libérer vos chambres et retourner les clés au bureau de votre superviseur de bloc/quad ».
«Les responsables de l’entreprise ne veulent pas nous payer les heures supplémentaires dues sur la base de l’accord d’entreprise»
« Les responsables de l’entreprise ne veulent pas nous payer les heures supplémentaires dues sur la base de l’accord d’entreprise », a dénoncé El Hadji Malick Gningue, un membre du collège des délégués du personnel d’Endeavour Mining à Sabodala sur le site de l’APS. Dans cet accord, il y a un article 8.2 qui stipule que les cadres qui travaillent dans les départements de production sur une fourchette de 12 heures maximales par jour doivent bénéficier d’un forfait d’heures supplémentaires. Toujours, selon les travailleurs, le forfait des heures supplémentaires des non cadres n’a pas été calculé selon le code du travail sénégalais qui dit que toute composante du salaire qui est imposable doit être incluse dans l’assiette de calcul des heures supplémentaires et ceci n’a pas été respecté jusqu’en 2022 où les travailleurs l’ont dénoncé. Depuis 2022, les représentants des employés ont manifesté leur volonté d’intégrer de nouveaux éléments dans la base de calcul des heures supplémentaires. Dans cette bataille pour le respect de leurs droits, les grévistes de SGO ont eu le soutien indéfectible de leurs collègues du Bureau du syndical SYNTRAGMIH, section Houndé GOLD OPERATIONS. Le SYNTRAGMIH a tenu à « exprimer toute sa solidarité et son soutien dans le mouvement de protestation que vous avez initié depuis le 1er août 2024. Le bureau des délégués syndicaux ainsi que les délégués du personnel et les travailleurs engagés pour la justice du Syndicat des Travailleurs de la Géologie, des Mines et des Hydrocarbures suivent avec une grande attention vos revendications pour des conditions de travail dignes et le respect des engagements pris dans le cadre du protocole d’accord de 2016, notamment le paiement des heures supplémentaires conformément à la législation sénégalaise et d’autres engagements non tenus. En effet, au-delà de la loi, mêmes les livres saints enseignent que l’ouvrier mérite son salaire ».
Une sortie de crise après une médiation
Pour une sortie de crise, les 3 et 5 août 2024, dans le cadre d’un conflit collectif opposant les travailleurs de la société SGO et la Direction générale de ladite entreprise, une mission composée de l’Inspecteur régional du travail et de la Sécurité sociale de Kédougou et deux sages de la région mandatés par Mme le Gouverneur. Ces personnalités ont rencontré sur site le collège des délégués du personnel coordonné par Khalifa Mansour Sané, les représentants de la Direction générale de SGO SA Mamoudou Bocoum (Adjoint VP) et Adama Touré (DRH site). Dans le procès-verbal de conciliation, on note : « A la suite de cette mission, les parties se sont retrouvées à Dakar avec l’assistance du Ministère en charge des mines, représentés par Ibra Ba, Conseiller technique du ministre et Rosaline Mbaye Carlos, Directrice générale des Mines. Dans leur dynamique de trouver une solution de sortie de crise et après des discussions et après de longs échanges, les parties ont convenu ce qui suit : pour la Direction générale de SGO d’ouvrir les restaurants et à assurer le fonctionnement normal du camp, annuler, avec effet pour le passé uniquement, les demandes adressées au personnel gréviste de quitter le camp d’hébergement, en cas de grève à l’avenir, ne pas recourir à des travailleurs temporaires pour remplacer le personnel en grève licite conformément aux dispositions de l’article 12 du décret 2009-1412 du 23 décembre 2009, annuler les demandes de reprise de poste notifiées aux travailleurs ». Le personnel représenté par les délégués est également tenu de faire des efforts dans le cadre de l’apaisement en « suspendant le mot d’ordre de grève et à reprendre le travail ce lundi 5 août 2024 à 20 heures. Toutefois, pour le personnel de cuisine, la reprise sera effective dès la signature du présent procès-verbal de conciliation ». La mission a remercié et félicité les parties pour leurs décisions et leur a demandé d’apporter toutes les diligences nécessaires pour une bonne mise en œuvre.
Un accord attendu ce 8 août 2024
Les autorités veulent tout mettre en œuvre trouver des solutions consensuelles entre les deux parties. D’ailleurs, la Direction de SGO et les travailleurs grévistes s’engagent à reprendre les discussions afin d’aboutir à un accord à partir de ce jeudi 08 août 2024 et à sursoir tout acte pouvant compromettre les droits des travailleurs et la poursuite du travail. Dans le cadre de la poursuite des discussions, les deux parties seront assistées notamment par le Haut Conseil du Dialogue social, le ministère en charge des Mines, l’Inspecteur régional du travail et de la Sécurité sociale de Kédougou et toutes autres autorités dont l’intervention pourraient être nécessaire. En ce qui concerne l’ouverture des restaurants et la reprise normale du service ; l’annulation des demandes d’explications transmises au personnel en grève ; l’annulation des exploits d’huissier portant réquisitions illégales de certains membres du personnel en grève ; l’arrêt de l’utilisation des travailleurs temporaires pour remplacer le personnel en grève ; l’arrêt de toutes les mesures portant expulsion des travailleurs en grève des logements, les grévistes ont obtenu gain de cause, du moins pour l’instant.