Après la grève des patrons de presse réunis autour de leur structure corporative le CDEPS (les patrons de presse politiciens corrompus), il me vient à l’esprit de tourner le regard sur ce que fût la presse. Cette presse pionnière dont je veux parler est celle qui a marqué et accompagné de façon indélébile la démocratie sénégalaise. Leur tresser des lauriers, ici et maintenant, en cette période de vaches maigres d’une certaine presse patriotarde nous permet de qualifier cette période d’âge d’or de la presse sénégalaise, tant les bienfaits apportés dans cette phase sont inversement proportionnels aux méfaits causés par cette presse neutralisée en rupture de ban patriotique, dont les problèmes ne sont pas les problèmes de la presse sénégalaise. Bien sûr que certains journalistes ont tenu et continuent de tenir le calame critique contre tous les assauts de caporalisation financière pour asservir la presse. Ils perpétuent la tradition de ceux qui tinrent jadis la plume critique contre l’anthropophagie liberticide des pouvoirs de la presse par les divers régimes social-démocrate et libéral.
LA NOSTALGIE D’UNE PRESSE D’IDÉES
INCARNÉE PAR DE GRANDES PLUMES
Avant, nous avions une presse d’idées incarnée par de grandes plumes dont le style journalistique presque académique faisait de leurs publications des régals de lecture. On avait l’impression que tous étaient des essayistes au point que les journaux étaient collectionnés et représentaient pour nous la première source documentaire, car le numérique était encore dans les limbes. C’est la période où dans toutes les maisons vous trouviez des journaux soigneusement empilés et rangés dans un coin du salon ou de la chambre. Aucun journal acheté n’était jeté à la poubelle ou ne pouvait être utilisé comme emballage de « thiaf » ou de pain. Ce sont les papiers ciment qu’on utilisait pour emballer car on n’était pas encore à l’ère du sachet plastique. Certains exemplaires de cette presse héroïque sont encore jalousement gardés par nous et nous servent d’appoint documentaire dans nos réflexions sur des problématiques contemporaines. Cette presse-là n’était pas une presse politique ou une presse de combat, c’était une presse tout court, une presse professionnelle libre, capable de mobiliser les opinions publiques de l’époque sur des enjeux nationaux à caractère politique, éducatif, environnemental, culturel, diplomatique…
Oui, leur dessein n’était pas de fabriquer une opinion politique publique toute faite au service d’un quelconque pouvoir, mais de peser sur la construction de l’opinion citoyenne afin de parvenir à des transformations sociales et politiques. Cette presse à la croisée des chemins a pourtant émergé dans un contexte politique de monopartisme ou Senghor le grec, humaniste jusqu’à l’os avait misé sur la formation des hommes, c’est la glorieuse époque de la diplomatie du savoir, ce qui a été couronné à l’étranger par le rayonnement des cadres sénégalais dans beaucoup d’organismes internationaux .C’est aussi et surtout l’époque où Bara Diouf, un seigneur de la presse sénégalaise étalait toute sa verve scripturaire dans ses brillants et savants éditoriaux qui transpiraient abondamment de réminiscences latinisantes et hellénisantes. Plus tard une presse bien debout, composée de journalistes issus des flancs de cette presse glorieuse a émergé sans déroger à la combativité que réclamait la défense d’un principe très important en démocratie, la liberté de la presse garante de la diffusion des idées et de l’information du public.
RÔLE HISTORIQUE JOUÉ PAR LES MÉDIAS PRIVÉS
DANS L’AVÈNEMENT DE LA PREMIÈRE ALTERNANCE
Tout le monde reconnaît le rôle historique joué par les médias privés dans l’avènement de la première alternance en 2000 avec des figures de rupture, comme feu Babacar Touré patron d groupe Sud Communication, Abdou Latif Coulibaly et tant d’autres hommes des médias. Mame Less Dia l’iconoclaste précurseur du journal satirique, patron de Le Politicien a souvent été inquiété, Le Cafard libéré a suivi ses traces. Boubacar Diop publiciste du journal Promotion avait fait de son organe un promontoire d’où il lançait des salves de révélations et des critiques très courageuses contre les pouvoirs en place de Senghor à Abdou Diouf, ce qui lui a valu plusieurs séjours en prison.
Depuis 2012 avec l’avènement de Macky Sall, la presse et ses journalistes ont été systématiquement réprimés, emprisonnés, bâillonnés ou enrégimentés. Pape Alé Niang, Pape Ndiaye avant qu’il ne s’arme de missiles, Babacar Touré Kewoulo, Serigne Saliou Gueye entre autres ont souffert de cette répression. Walf Fadjri, Sen TV et d’autres médias ont subi par le canal de la CNRA et du ministre farfelu à l’expression lacunaire Moussa Bocar Thiam, les foudres répressives de la censure fiscale orientée, du débranchement de signal et du retrait de la licence.
Depuis la deuxième alternance de 2012 coïncidant avec l’arrivée accidentelle de Macky Sall au pouvoir (quel malheureux coup du sort pour le Sénégal), il urge de réfléchir sur la liberté de la presse et son rapport au pouvoir. Très tôt le pouvoir de Macky s’est attelé à la mise sous tutelle de la presse, aidé en cela par certains patrons de presse et le lobbying de quelques spécialistes de la communication comme El Hadji Kassé ancien patron du quotidien national Le Soleil, Abdou Latif Coulibaly, Abou Abel Thiam, Alioune Fall, Racine Talla, Yaham Codou Mbaye, Souleymane Jules Diop, Madiambal Diagne. C’est aussi dans ce contexte de déstabilisation de la presse que Youssou Ndour patron du groupe Futurs Médias a été coopté ministre de la culture, El hadj Ndiaye de 2STV Ce contexte de musèlement journalistique a donné lieu à un grégarisme et un conformisme informationnel dont la manifestation la plus cocasse est l’alignement unanimiste des « Une » de quotidiens asservis et dépendants bien connus (malheureusement la majorité) et le traitement partisan de l’actualité assaisonnée de deep fakes et de fake news. Avec ces journaux, leurs patrons et leurs journalistes, c’est la fin du journalisme, car le tragique de cette situation ainsi créée a abouti à l’attaque de la liberté d’information à travers la presse. Nous avons tous en mémoire les attaques et les injures contre les « soldats de la presse » selon la valeureuse expression de Lamennais que sont Pape Alé, Pape Ndiaye, Thioro Mandela et d’autres journalistes par leurs confrères, alors qu’ils étaient victimes de l’arbitraire dictatorial pour avoir choisi d’exercer librement leur profession. Serigne Saliou Gueye, patron de Yoor-Yoor Bi quotidien boycotté dans les revues de presse des médias du système, un grand monsieur de la presse sénégalaise, a été accusé de faux et d’usage de faux, comme s’il exerçait illégalement le métier de journaliste.
JOURNAUX ET MÉDIAS TÉLÉVISUELS SONT DEVENUS
UN DANGER POUR LA STABILITÉ NATIONALE
Tous ces journaux et médias télévisuels sont devenus un danger pour la stabilité nationale, certains non contents de se spécialiser à la désinformation en produisant du faux comme cette arnaque sur Tullow Oïl contre Ousmane Sonko, sont devenus une usine de haine au point que certains les qualifient de Radio Mille Colline. Cheikh Yérim Seck à travers YerimPost, Madiambal Diagne avec sa feuille de choux. Oui ces genres de groupe de presse sont dangereux pour une démocratie dès lors que leur trajectoire professionnelle se confond avec celle du pouvoir politique régnant, car en étant le relais privilégié des accusations et même des condamnations d’Ousmane Sonko et de certains membres de l’opposition ou de la société civile. Ces groupes de presse et journalistes ont scellé leur collusion avec le régime de Macky Sall par une prise de position politique invariable et systématique, par le traitement tendancieusement incriminant de l’actualité de Sonko et de son parti Pastef. Par exemple, le traitement de la grève de la faim d’Ousmane Sonko par un média comme Igfm à travers ses journalistes comme Malick Thiandoum et Babacar Fall est inadmissible. Traiter une information et faire voir ses méchantes et diaboliques intentions ne relève pas du professionnalisme journalistique dès lors qu’on tord le cou à la sacro-sainte sacralité des faits. Que connaissent ces deux journalistes de la santé d’Ousmane Sonko, de sa complexion, de sa physiologie, ses réserves, de sang, de graisse, de la fonctionnalité de son métabolisme ? Ensuite l’homme n’est pas que soma, il a une dimension noétique et psychique. Et puis, pour nous qui croyons en Dieu et à la prédestination, Il n’y a que Lui qui connait, le pourquoi, le comment et le quand de la mort. Enfin, il y a la détermination, l’endurance, la patience qui ne sont pas des données sensibles et quantifiables, mais qui sont décisives dans ce genre d’épreuve.
OUSMANE SONKO N’EST NI UN CRIMINEL,
NI UN ESCROC DE LA RÉPUBLIQUE
Ousmane Sonko n’est ni un criminel, ni un escroc de la République, c’est pourquoi il résiste à l’injustice et l’arbitraire qu’on lui impose. Et sous ce rapport cette grève qui est un acte ultime de résistance ne peut être considérée comme un acte suicidaire, mais une volonté de vivre et de vivre librement. Cette grève de la faim était un acte révolutionnaire face à l’un des despotes les plus sanguinaires que l’histoire nous a donné à voir. Pourquoi ces deux journalistes et tous ceux qui leur ressemblent comme Ismaila Madior Fall ne se sont-ils pas demandé pourquoi Sonko s’est-il exposé à tant de souffrances au point que certains ont pensé qu’il était un super champion de la souffrance et qu’il pouvait prolonger sa diète ad vitam aeternam. Il était tout simplement entrain de trépasser. Donc ces grèves de la faim, puisqu’il y’en a eu deux, ne pouvaient être assimilées à un acte émotionnel, mais un acte de sacrifice ultime, un choix entre le triomphe de la conviction patriotique et l’économie d’une vie qui fera abdiquer le combat politique. Sonko venait d’illustrer par un exemple suprême du don de soi, une sorte d’encyclique quintessentielle de la philosophie politique pastéfienne. Et dire que des patriotes anonymes sont allés plus loin que Sonko dans cette épreuve du don de soi en donnant leur vie.
Les problèmes de la presse sénégalaise dans son ensemble sont un package dont les difficultés financières que traversent les patrons de presse n’en sont qu’un aspect périphérique, dès lors qu’elles ne concernent qu’une partie de la corporation des patrons de presse. La numérisation des médias a réduit comme une peau de chagrin les franchises dont s’arrogeait la presse classique, à cela il faut ajouter l’explosion de la téléphonie support irréfragable des réseaux sociaux et des sites en ligne avec toutes les commodités de transmission et de diffusion des informations à l’instantané et en mondovision, sans se soumettre aux exigences professionnelles de la presse classique. Il est évident que ce nouveau contexte de numérisation tous azimuts des médias ou règnent sans partage les GAFAM entraine une crise des médias dont la résultante économique est imparable. Des réformes de fond s’imposent si la presse classique veut se maintenir en préservant la tirelire des patrons dans ce contexte irrémédiable d’expansion spectaculaire des médias révolutionnaires, au lieu d’accuser le pouvoir qui ne fait que faire respecter la loi fiscale en demandant à des prédateurs des deniers publics de rendre à César ce qui appartient à César plutôt que de parler à tort de fiscalisation à outrance ou de pression fiscale orientée vers les entreprises de la presse. Et c’est cela qui est écrit en boucle avant et après dans toutes les feuilles de choux et les émissions consacrées à ce fait, une désinformation à outrance. La vérité c’est qu’ils veulent se soustraire à un impôt exigible à toutes les entreprises et à tous les travailleurs. Eux, ils sont pires que la peste et le choléra car non seulement ils ont arraché à la source à des centaines de travailleurs et sur des durées très importantes les cotisations de l’Ipres, la Caisse de sécurité sociale et les impôts sur le revenu qui doivent atterrir dans les caisses des services de l’état. Cette presse collabo a été surprise par le changement politique consécutif à la révolution citoyenne qui leur a coupé les subsides de leurs commanditaires, les anciens barons du régime qui monnayaient fortement ce deal. Le Sénégal par la grâce de Dieu, la volonté des nouveaux dirigeants et le peuple est en train de s’ajuster pour devenir un État normal ou la postulation à l’horizontalité des textes de lois et de règlements doit désormais s’appliquer à toutes les têtes qui dépassent.
ALIOUNE SECK
BARGNY
- Les intertitres sont de la Rédaction