Le Président Diomaye ne devrait-il pas demander une contre-vérification avant la reprise de certains travaux ?
Le leader politique Ousmane Sonko, faisant son sport un jour sur la plage de la Corniche ouest, est choqué de voir que les constructions sur le littoral sortent de terre comme des champignons. Et furieux, il déclare que le jour le Pastef accédera au pouvoir, il rendra aux Sénégalais et Sénégalaises ce qui leur appartient. Il ne pouvait pas comprendre qu’un quarteron de personnages jouissant de proximité avec le régime d’alors puissent occuper de façon irrégulière le littoral. Mais cela n’a pas empêché les affairistes et autres politiciens de continuer jouir des faveurs du régime de Macky Sall. C’est pourquoi, une fois au pouvoir, lui et le Président Diomaye ont remis sur la table la question foncière notamment celles du littoral et de Mbour 4 (nous reviendrons sur le scandale foncier de Mbour 4).
Le 13 mai dernier, le nouveau gouvernement sénégalais a annoncé la suspension pour deux mois de toutes les constructions sur le littoral de Dakar et sa région. Ainsi il a décidé la création d’une commission chargée de vérifier la légalité des titres délivrés pour les occupations anciennes et nouvelles du Domaine public maritime le 15 mai. Déjà fin avril, la gendarmerie avait indiqué avoir reçu instruction d’arrêter les chantiers sur les corniches de Dakar, mais la suspension n’avait pas fait l’objet d’une communication officielle.
Ainsi par l’arrêté N° 006632, en date du 13 mai 2024 et signé le Premier ministre Ousmane Sonko, il a été décidé la «création d’une Commission ad hoc chargée du contrôle et de la vérification des titres et occupations sur les anciennes et nouvelles dépendances du Domaine Public Maritime (DMP) dans la région de Dakar». La mesure portant création de cette Commission dispose, en son Article premier : «il est institué, au sein de la Primature, une commission ad hoc chargée de procéder à la vérification de la légalité et de la conformité des titres délivrés et occupations faites dans les zones ciblées».
L’article 2 donne la composition de cette structure. «Sous la présidence du ministre, Secrétaire général du gouvernement, elle est coordonnée par le ministre des Finances et du Budget. Son Secrétariat est assuré par le ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires».
Et sont membres de la Commission : Docteur Anta Sané, Secrétaire Général du Conseil Économique Social et Environnemental ; Gnilane Ndiaye, Premier Vice-Président du Haut Conseil des Collectivités territoriales ; Abdoulaye Diouf, Directeur Général de l’Urbanisme et de l’Architecture ; Papa Saboury Ndiaye, Directeur Général de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol remplacé par la suite ; Ibrahima Aw, Directeur du Cadastre ; Monsieur Abdou Gning, Directeur des Domaines, Monsieur Tidiane Badji, Adjoint au Directeur du Recouvrement ; Abdou Karim Mbengue, Responsable de l’Observatoire des Territoires à l’Agence Nationale de l’Aménagement du territoire ; Mame Faty Niang Seydi, Chef de la Division chargée de la gestion du Littoral au Ministère de l’Environnement et de la Transition écologique ; Mamadou Diop, Ministère de la Justice ; Al Hassane SALL, Gouverneur de Dakar ; Achille Gueye, Directeur général de l’Agence nationale des Affaires maritimes ; Maitre Mamadou Gueye, Ordre des Avocats du Sénégal ; Maitre Aida Diawara Diagne, Présidente Chambre des Notaires ; Mamadou Berthé, Ordre des Architectes du Sénégal ; Amadou Mbaye GUISSE, Agent Judicaire de l’Etat ; Saliou Dièye, Ordre National des Experts et Évaluateurs du Sénégal ; Professeur Chérif Baldé Directeur Général de Laboratoire national de Référence dans le Domaine du Bâtiment et des Travaux Publics ; Ndèye Oumy Faye, Ordre National des Géomètres Experts du Sénégal.
S’y ajoutent les représentants des collectivités territoriales ci-après : Barthelemy DIAZ, Maire de la Ville de Dakar ; Abdoulaye Timbot Maire de la Ville de Pikine ; Ahmet Aïdara Maire de la Ville de Guédiawaye ; Oumar Cissé, Maire de la Ville de Rufisque ; Alioune Ndoye, Maire de la Commune de Dakar-Plateau ; Ahmadou Bamba Fall, Maire de la Commune de Médina ; Souleymane Camara, Maire de Sicap-Liberté ; Dieynaba Ba Maire de la Commune de Fann Point E-Amitié ; Alioune Tall Maire de la Commune de Mermoz-Sacré cœur ; Abdoul Aziz Gueye, Maire de la Commune de Ouakam ; Seydina Issa Laye Samb, Maire de la Commune de Yoff ; Magueye Ndiaye Maire de la Commune de Ngor ; Djamil Sané, Maire de la Commune des Parcelles Assainies ; Khadija Mayécor Diouf, Maire de la Commune de Golf Sud ; Aminata Kanté, Maire de la Commune de Sam Notaire ; Serigne Mor Gueye, maire de la Commune de Ndiarème Limamoulaye ; Racine Talla, Maire de Wakhinane Nimzatt ; Babacar Ndao, Maire de la Commune de Yeumbeul Nord ; Mor Talla Gadiaga, Maire de la Commune de Malika ; Momar Sokhna Diop, Maire de la Commune de Tivaouane Peulh-Niague.
Et à la fin des travaux de contrôle et de vérification, la Commission produira un rapport destiné au chef de l’Etat. Et c’est ce qui a été fait ce 13 août. Exactement, il a fallu à la Commission, trois mois après la publication de l’arrêté, pour livrer ses travaux au Président Diomaye. À la lecture de présentation du rapport au palais de la République le 13 aout, Abdou Karim Mbengue a livré quelques éléments du rapport. 81 dossiers étudiés, 31 titres fonciers, 16 baux, un arrêté de permis d’occuper, 33 occupations sans droits ni titre dont 29 disposant d’une autorisation délivrée par les collectivités territoriales, 41% d’occupation du domaine maritime sont irrégulières dont 5% sans droit ni titre et 36% sur la base d’autorisations délivrées par les collectivités territoriales. 57% présentent un défaut d’autorisation de construire dont 4 sur des titres fonciers ou baux en règle.
C’est ainsi que le Président Diomaye en présence du Premier ministre Ousmane Sonko a suivi les recommandations de la Commission concernant la levée de la sommation d’arrêt des travaux sur 18 chantiers. Par conséquent, « il faut y aller le plus rapidement possible pour que les personnes qui sont en conformité avec la loi puissent continuer leurs travaux », a déclaré le Président visiblement satisfait par le travail de la Commission ad-hoc.
Pourtant ce travail, d’après nos investigations, présente beaucoup d’insuffisances. 81 dossiers seulement c’est-à-dire 81 occupations seulement sont concernées. Mais parmi ces occupations, il y a des maisons dont les travaux sont terminés. Alors pourquoi certaines d’entre elles ne sont pas concernées ? Pourquoi la maison du Président Denis Sassou Nguesso, sise non loin de la Place du Souvenir, n’a pas été touchée ? Pourquoi ce bâtiment R+6, construit à Ngor pour abriter un Casino, a été royalement ignoré ? Et qu’en est-il des logements de l’Anoci vendus, parait-il, à un richissime dignitaire d’une grande confrérie ? Et qu’a-t-on dit du méga-bâtiment de cet entrepreneur aujourd’hui en contentieux dans plusieurs édifices de l’Etat qu’il devait construire ou réhabiliter ? On pourrait en citer d’autres. Aujourd’hui l’hôtel Azalaï et Terrou bi sont en train de rogner petit à petit le petit espace qui les sépare et qui accueille quelques Dakarois férus de plage. Si l’on n’y prend pas garde, cet espace disparaitra bientôt au profit des deux hôtels précités.
Ce qui remet en cause la fiabilité de la Commission, ce sont d’abord ses membres : agents de l’exécutif (pour la plupart des éléments du Système), agents des professions libérales et agents des collectivités territoriales. D’une manière ou d’une autre, ils ont participé à l’occupation irrégulière plusieurs parcelles sur le littoral. D’ailleurs au tout début des travaux sur la Corniche ouest, certains membres trop laxistes demandaient d’être prudents dans le recensement des occupations irrégulières parce que leurs propriétaires ont dépensé plusieurs pour les construire. Il a fallu même que le représentant du Gouvernement remette les pendules à l’heure pour que ces membres puissent être conscients du tort infligé aux Dakarois privés illégalement de place par ces boulimiques fonciers. Et dans la Commission, il y a des membres des professions libérales dont certains de leurs collègues occupent irrégulièrement le littoral. Alors par solidarité, jamais ces membres ne remettront en cause ces constructions. Quand le colonel Pape Saboury Ndiaye a été remplacé à la Direction générale de la Surveillance et du Contrôle de l’Occupation du Sol lors du Conseil des ministres du 3 juillet dernier par le Colonel Amadou Ousmane Ba, quelqu’un de la Commission n’a pu pas pu contenir sa colère. Et cette colère avait tout son sens dans l’exécution sérieuse des travaux confiés par le Premier ministre au sein de la Commission.
Sachant qu’il y a des manquements dans le rapport, il serait plus judicieux pour le Président Diomaye de procéder à une contre-expertise, une contre-vérification de ce qui a été fait comme travail au niveau de la Commission. Sinon les Dakarois risqueraient d’être déçus par les autorités en qui ils ont placé tout leur espoir pour reconquérir leur littoral accaparé par un groupe de privilégiés.
MOUSSA FALL