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Parlement de la CEDEAO : Guy Marius Sagna secoue l’institution avec ses quatre vérités et met en furie la vice-présidente ivoirienne

La tension était vive le samedi 20 juillet 2024 au Parlement de la CEDEAO. En effet, connu pour son franc-parler et son antiimpérialisme, le député Guy Marius Sagna a secoué l’hémicycle des Etats de l’Afrique de l’Ouest en déclarant que « ce sont nos Chefs d’Etat qui ont appauvri l’Afrique » au regard des conséquences dramatiques de leur gestion avec la signature des accords de partenariat économique avec l’Union européenne, l’émigration irrégulière de masse des jeunes et l’absence de politique industrielle pour transformer nos ressources. Le speech du parlementaire sénégalais a mis furie certains de ses collègues. La vice-présidente du Parlement, Adjaratou Traoré, a perdu son sang-froid et voulu s’en prendre physique au solide secrétaire général du FRAPP.

Par ABLAYE DIALLO

La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est en crise avec le retrait du Mali, du Burkina et du Niger. Ces pays ont mis sur pied de la Confédération des Etats du Sahel pour entériner la rupture avec la CEDEAO considérée comme « syndicat des Chefs d’Etat à la solde de l’impérialisme occidental ». Avec l’entrée du député Guy Marius Sagna au Parlement de la CEDEAO, on a droit à un discours sans langue de bois sur les problèmes auxquels sont confrontées les populations de l’Afrique de l’Ouest. Samedi 20 juillet, la séance au Parlement de la communauté a été très houleuse entre entre le député sénégalais Guy Marius Sagna et ses homologues surtout la députée ivoirienne Adjaratou Traoré lors du débat sur le rapport du PNUD. L’antiimpérialiste sénégalais a pointé l’incompétence et l’incapacité des Chefs de la sous-région à sortir leurs peuples de la pauvreté : « Parmi les 33 derniers pays du classement de l’IDH du PNUD, il y a 13 pays de la CEDEOA à savoir le Niger, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, la Sierra Leone, la Guinée Bissau, le Bénin, la Gambie, le Libéria, le Sénégal, le Nigeria, le Togo et Côte d’Ivoire. J’étais content de lire que la Côte d’Ivoire pays est le premier producteur mondial de cacao mais n’est pas le premier producteur de chocolat. Il est le cinquième producteur africain de coton mais n’est pas le cinquième producteur africain de vêtements. Premier producteur mondial de noix de cajou mais il n’est pas le premier producteur mondial de produits dérivés de la noix de cajou ». Avant d’enfoncer le clou : « Ceci n’est pas seulement le drame de la Côte d’Ivoire mais de tous les pays de l’Afrique de l’Ouest. C’est pourquoi il faut sortir l’Afrique de toutes les chaînes qui la maintiennent dans le sous-développement ».

« En 2023, le 2e plus important contingent de migrants irréguliers entrant en Italie par Lampedusa, c’était des Ivoiriens »

Les remarques factuelles de Guy Marius Sagna n’ont pas du tout plu à ses collègues surtout ceux venus de la Côte d’Ivoire. N’empêche, il ne s’est en pas arrêté là : « En 2023 des Ivoiriens ont été emprisonnés pour avoir arboré des drapeaux russes mais cela ne dérange pas les autorités ivoiriennes d’avoir sur le territoire africain de Côte d’Ivoire ce véritable couteau enfoncé dans la souveraineté ivoirienne qu’est la base militaire française. Le défi qui nous est posé à nous tous est quand est-ce que la Côte d’Ivoire va devenir le premier de chocolat. C’est valable pour le phosphate sénégalais. Ils prennent notre phosphate et reviennent nous vendre de l’engrais. Voila le défi auquel nous sommes confrontés. Ce que rappellent mes collègues pour dire qu’il y a des problèmes dans la CEDEAO et que des pays veulent partir ». Avant d’ajouter : « En 2023, le 2e plus important contingent de migrants irréguliers entrant en Italie par Lampedusa, c’était des Ivoiriens. Cela veut dire que nous sommes riches mais nos populations ne sont pas riches de nos richesses. C’est pourquoi je ne m’arrêterai pas de dire que je ne comprends pas pourquoi tous nos pays ont pu signer les accords de partenariat économique avec l’Union européenne. Nous ne sommes pas pauvres. Nous sommes appauvris. Tant que les pays membres n’arrêteront pas cela, les choses ne vont pas changer. Comment on peut être le premier producteur de cacao et le 2e contingent de migrants irréguliers par Lampedusa. Je suis allé aux Iles Canaries, il y a plein de Sénégalais. Rassurez-vous que je ne focalise pas sur un pays. Le Sénégal, c’est 54% de taux d’analphabétisme ». Ces vérités crues ont énormément irrité certains parlementaires durant cette séance. Inflexible, Guy Marius Sagna poursuit sa plaidoirie : « La CEDEAO doit dire à la Côte d’Ivoire comment peut-on faire pour que ce pays soit le premier producteur de chocolat et le 5e producteur de vêtements d’ici 5 ans ou 10 ans. Solidarité et complémentarité mais pas de concurrence. Chacun de nos pays construit des ports. Il y a des ports qui ne servent quasiment à rien. Il y a des ports puissants et d’autres faibles. Quand on a une monnaie le FCFA qui facilite les importations ce qui fait que nos marchandises ne sont pas compétitives sur le marché international et nos acteurs économiques n’ont pas assez de crédits, nous sommes étrangers dans nos propres pays. Du fait du privés internationaux. En Côte d’Ivoire comme au Sénégal, il y a une armée française depuis 1960. Et en Côte d’Ivoire, on veut ajouter une armée américaine ».

« Ce sont les nos Chefs d’Etat qui ont appauvri l’Afrique », la phrase qui fait perdre à la vice-présidente Adjaratou Traoré ses nerfs

Le leader du FRAPP a critiqué vertement les Chefs d’Etat de la CEDEAO responsables du sous-développement de la sous-région : « La vision politique du PNUD est mauvaise et catastrophique. Si je peux avoir un respect pour les chiffres du PNUD, je n’ai aucun respect pour la vision du PNUD. Le titre du document que vous nous avez présentés, c’est : ‘’Etat des lieux, pauvreté et inégalité en Afrique de l’Ouest’’. En vérité, le titre devrait être : ‘’Etat des lieux, appauvrissement et inégalités en Afrique de l’Ouest’’. Tant que le PNUD continue à parler de pauvreté, cela veut dire que le PNUD n’est pas dans une perspective de soutenir une sortie du sous-développement. Nous sommes les pays les plus riches de la planète Terre. Tant que les gens diront que l’Afrique de l’Ouest est pauvre, cela veut dire que ces gens-là font partie du problème. Pourquoi vous n’osez pas dire appauvrissement ? Qui a appauvri l’Afrique ? Ce sont nos Présidents. Et vous ne voulez pas fâcher nos Présidents ». Ces propos ont faire bondir la députée proche du Président ivoirien Alassane Dramane Ouattara. Guy Marius Sagna ne s’est pas laissé intimider : « Le fait que je dise que ce sont nos Chefs d’Etat qui ont appauvri l’Afrique, cela vous dérange autant ». La vice-présidente du Parlement Adjaratou Traoré a voulu interrompre brusquement la prise de parole du Sénégalais : « Cher collègue, contrôlez votre langage. Contrôlez votre langage, sinon je vous retire la parole. Cher, collègue, c’est la manière de présenter qui… ». Elle s’agite comme un ours en cage et hausse le ton : « La liberté de parole ne veut pas dire avoir le droit de dire n’importe quoi. Vous ne devez pas dire n’importe quoi à l’endroit des Chefs d’Etat. Ce ne sont pas vos amis ». L’Ivoirienne finit par péter les plombs : « C’est n’importe quoi ce que vous êtes en train de dire. Vous êtes n’importe quoi ». La situation s’est envenimée au point que la députée ivoirienne, dans un élan de colère noire, a quitté sa place pour s’en prendre physiquement au député Guy Marius Sagna. Ses collègues ont dû intervenir pour la retenir ainsi évitant de justesse une agression physique. Cette confrontation virulente a finalement conduit à la suspension temporaire de la session parlementaire. La tension était devenue électrique au sein du Parlement de la CEDEAO qui n’avait l’habitude d’entendre des discours francs.

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