Editorial

Sonko oui, mais hors de leur vue

Editorial

Par DEMBA NDIAYE

Tout au début de leur cauchemar post-24 mars, les débris de l’ancien régime, avaient cru avoir trouvé un os à ronger pour se remettre en selle : séparer le gentil Diomaye de son fidèle garde du corps, Sonko. Leur slogan était une reprise tropicalisée du film « il faut sauver le soldat Ryan ». Donc, il faut tuer le soldat d’élite qui fait office de sa garde rapprochée : le soldat Sonko qu’ils n’ont pas réussi à tuer malgré tous leurs efforts déployés pendant trois ans avec tous les moyens de l’Etat.

Ce que l’État de Macky (police, gendarmerie, justice et mercenaires de la plume et du micro) n’a pas réussi pendant trois longues années, un quarteron de journalistes sevrés de privilèges et un président de groupe parlementaire ne le pourront jamais. Ils ne parviendront jamais à couper le cordon ombilical qui lie nos deux plus hautes institutions : le Président et son Premier ministre. Même avec l’appui d’une armée mexicaine composée de « chroniqueurs » affolés par la perte imminente de leurs raisons et moyens de vivre. Cela fait flop ! Parce que les acteurs du raz-de-marée du 24 mars ne sont pas amnésiques et se rappellent bien qui ils ont envoyés au pouvoir le 24 mars : un duo inséparable, des jumeaux qu’aucun scalpel chirurgical ne peut venir à bout. Alors, soldats de fortune, mercenaires défroqués, vous pensez bien le réussir ?

Des supplétifs inattendus

« Qu’on le veuille ou non, c’est Sonko qui gouverne » ! L’auto-proclamé médiateur des conflits d’ici et d’ailleurs, l’honorable Alioune Tine, sort enfin de son bois et de sa posture de médiateur supposé équidistant pour prendre le drapeau taché de sang par les tueurs de l’ancien régime. On l’eut cru plus malin, plus habile, pour jouer au médiateur dans des conflits politiques ou militaires, mais il faut croire que c’est une réputation surfaite. En effet, en une phrase et dix mots, il insulte et le Président et le Premier ministre et surtout, le peuple. Monsieur Tine nous dit que notre Président Diomaye est un pantin entre les mains d’un exécrable dictateur, usurpateur, manipulateur : son Premier ministre Sonko. Il laisse entendre le Président est un fantôme qui erre comme une âme en détresse dans les couloirs du palais, pendant que son détestable chef du Gouvernement est, en réalité, le Président.

Et monsieur le « civiliste », grand médiateur et pacificateur devant l’Éternel, nous dit sa potion pour résoudre ce grave conflit de préséance, de positionnement. Visez ça : « moi je le voyais bien à la Présidence comme directeur de cabinet du président de la République, Secrétaire général de la Présidence comme Jean Collin ou Ousmane Tanor Dieng ». C’est incroyable ! Comme ce « médiateur » méprise nos institutions et la première d’entre elle : le chef de l’État, ainsi que les collaborateurs qu’il s’est choisis. Mary Teuw Niane, un mathématicien émérite et reconnu, serait inapte à tenir le cabinet du Président, ses rendez-vous, ses audiences, bref, l’organisation de ses journées de travail quoi. Les autres membres de son cabinet, le Secrétaire général de la Présidence et autres, tous issus d’un mauvais casting. Il veut nous ramener plus de trente-cinq en arrière en nous ramenant des reliques d’une autre époque : Collin et Tanor. C’est vrai, il fait de Sonko la somme de toutes ces personnalités de l’histoire politique de ce pays qui n’ont pas laissé de bons souvenirs pour les hommes politiques de l’époque dont certains sont encore parmi nous. Ainsi que d’autres témoins comme lui, le civiliste médiateur.

Et pour monsieur Tine, civiliste grand médiateur devant les pauvres hères que nous sommes, tous les problèmes (lesquels d’ailleurs) du pays seraient réglés « si c’était le cas » (Sonko Collin+ Tanor+ Secrétariat général de la Présidence…) « il n’y aurait pas cette espèce de confusion des rôles ». Et il martèle tel un mantra : « la meilleure place pour Sonko, c’était la Présidence ». Bien sûr, pas en tant que Président, même virtuel, mais comme lieu d’expiation, un cachot où il serait invisible, inaudible. Enterré quoi ! Monsieur Tine veut exaucer ainsi le vœu des crapules que le peuple a virés le 24 mars. Les crapules qui ont tout tenté depuis le premier mois de l’installation des nouvelles autorités pour miner l’institution présidentielle en s’attaquant à son bras armé : le chef du Gouvernement. Une tête de gondole qui leur donne à tous de l’urticaire, rien qu’en le voyant sur le petit écran.

«Ndiyam Lana»

En pulaar, « ndiyam lana » signifie l’eau de (dans) la pirogue. Il caractérise surtout l’instabilité. En effet, l’eau dans une pirogue (qui tangue ou pas) a tendance à suivre les mouvements de la pirogue qui elle-même suit les rythmes des vagues. Quand on dit de quelqu’un que sa parole « ko ndiyam lana », c’est l’eau de la pirogue, cela signifie qu’il change au gré des circonstances (les vagues), de ses intérêts. Bref, rapporté aux positions politiques, qu’elles sont aussi changeantes, instables que cette fameuse eau de la pirogue. Parce que, tout de même, le débat sur les institutions depuis (au moins) les vingt dernières années tournent autour des superpouvoirs du chef de l’État, de l’hyper-présidentialisme, l’hypertrophie du pouvoir. Il y avait (il y a toujours, je l’espère) un consensus pour dire qu’il faut les réduire, qu’il faut rééquilibrer les pouvoirs. Certains poussent même la logique politique jusqu’à prôner le parlementarisme (c’est mon penchant), et voilà les grands pourfendeurs de l’hyper-concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’État, dont Monsieur Alioune Tine lui-même, qui pleurnichent aujourd’hui, parce que Sonko assume enfin pleinement son rôle de Premier ministre. Toutes ses prérogatives, parce qu’il exécute la politique définie par le chef de l’État, parce qu’il n’est pas de ces Premiers ministres fantômes que nous avions d’habitude sous nos cieux. On hurle à l’usurpation de fonction et, pire, à effacer le chef de l’État. « Ndiyam lana ! »

Pour ces gens-là à la parole fluctuante comme notre fameuse eau de pirogue, la faute de Sonko, c’est d’assumer pleinement sa mission de chef de Gouvernement et sa fonction de chef de parti. Pardi ! Il cumule tout ça ! Quand il parle, quand il brocarde « l’opposition tapette » ou « l’opposition sac à mains » aux montres qui peuvent acheter (cautionner) des maisons. Il nous embrouille, nous autres simples d’esprit et qui avons besoin des lignes bien tracées comme sur le terrain de foot. Pourtant, il le précise à chaque fois : en tant que chef de Gouvernement ou chef de parti. Le problème avec nos « analystes » et autres civilistes, c’est qu’ils oublient que c’est la première fois qu’on a un chef de Gouvernement qui est en même temps chef de parti. Depuis Abdou Diouf qui, sur le tard, « délégua » sa fonction de Secrétaire général au Secrétaire général de la Présidence, tous les autres Premiers ministres (à l’exception de l’éphémère PM Niasse) tous les autres ne cumulaient pas les deux. Idrissa Seck créera Rewmi après sa défenestration.

Cela dit, pourquoi un chef de Gouvernement ne répondrait pas aux attaques de son opposition ? Et pourquoi, il devrait mettre des gants en s’excusant des mots qu’il utilise ? Seuls les ignares politiques (ou les hypocrites) oublient que la politique est un champ de mines, parce que enjeu de pouvoir et l’expression concentrée des intérêts. La politique, c’est la lutte des classes à son niveau superstructurel. Que les âmes sensibles quittent ce champ de mines et batailles d’intérêts ! Le Premier ministre Ousmane Sonko signera son arrêt de mort si cette fonction de chef de Gouvernement « tuait » celle du chef de parti. Avec son parler, sa gouache, sa fougue, il signerait son divorce avec ce qui fait sa force : sa base politique. Seuls les petits bourgeois s’offusquent (ou pleurnichent) dès que le débat politique prend sa vraie nature : punchline. Autrement dit, un champ de gladiateurs. Âmes sensibles, ceci n’est pas un terrain de jeu policé, mais une arène où s’affrontent des intérêts de classes.

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Ibrahima Ndiaye
Invité
Ibrahima Ndiaye
14 jours il y a

Masterclass comme d’habitude !
Vous avez tout compris et tout explicité.
Sans commentaire.
Merci.

DIAKHATE OUMY
Invité
DIAKHATE OUMY
14 jours il y a

CET ARTICLE EST SANS DOUTE LA MEILLEURE QUE J AI EU A LIRE DEPUIS JANVIER 2024.

DIAKHATE OUMY
Invité
DIAKHATE OUMY
14 jours il y a

QUELLE COUP DE MASSUE!
C EST LA TOTALE
IL Y EN A QUI NE VONT PAS DORMIR EN LISANT CET ARTICLE DE GRAND MAITRE.
EH OUI!

Awocat
Invité
Awocat
12 jours il y a

Un chef-d’œuvre d’analyse ! Quel culot ! Quelle pertinence ! Tout est dit , dans ce texte et il mériterait d’être affiché dans tous les coins et recoins du Sénégal. Merci, mon grand !