«Ces actes de barbarie ne présagent rien de bon pour le Sénégal»
Le corps d’un présumé homosexuel a été exhumé et incinérer dans la cité religieuse de Léona Niassène à cause de sa « différence », qu’est-ce qui justifie ce rejet ?
La cause de ce rejet est multifactorielle. Au-delà du prétexte religieux évoqué pour justifier cet acte, il faut noter la nouvelle dimension prise par le rapport des sénégalais à la violence ces dernières années. Je ne crois pas qu’il faille lier ces actes exclusivement à un besoin d’appliquer une quelconque loi divine (charia). Les Sénégalais ne sont pas devenus plus religieux qu’ils ne l’étaient avant, au point de se réjouir d’une telle abjection. En d’autres termes, le sort actuellement réservé aux homosexuels ne tient pas seulement d’un supposé besoin d’appliquer une injonction divine. Elle vient plutôt de la cristallisation du rejet des mouvements LGBT que certains acteurs politiques, leaders d’opinions et influenceurs ont réussi à installer dans le pays. Persécuter des homosexuels c’est aussi, aux yeux de beaucoup de Sénégalais, une manière de lutter contre l’impérialisme occidental. Ce qui est à mon sens bien ridicule.
Avant son enterrement, son cortège funèbre a été éconduit de certains cimetières, pourquoi cette intolérance ?
Là nous sommes dans un contexte pleinement religieux. Une grande partie de la jurisprudence islamique condamne l’homosexualité. Il est toutefois des catégories bien plus radicales qui, au gré d’interprétation des textes, leur nient absolument tout droit. Ceux qui ont exhumé ce corps et ceux qui en ont refusé l’enterrement dans leur cimetière participent de cette catégorie.
Ces actes ne peuvent-ils pas être une porte de dérives qui exposent d’autres personnes dans l’avenir ?
Ces actes ne présagent rien de bon pour le Sénégal. Il y a effectivement un risque de propagation puis, à certains égards, de confusions et d’amalgames. Ceux pour lesquels j’ai le plus peur, ce seront les citoyens qui se verront persécutés non pas qu’ils soient homosexuels mais parce qu’ils ont tort d’avoir un physique efféminé.
H. TRAORÉ
