Les ferrailleurs de Ziguinchor traversent des situations difficiles, selon les acteurs qui s’activent dans ce secteur. Trouvé dans son entrepôt situé en face du cimetière de Belfort, Abdou Lahad Mbacké Seck est assis sur une vielle chaise, au milieu de plusieurs tas de ferrailles de tout gabarit, entouré de ses employés et collaborateurs. Tout autour, des amas de morceaux de fer, d’aluminium et autres objets métalliques ornent l’emplacement.
Depuis quelques temps, le travail des ferrailleurs bat de l’aile à Ziguinchor. «Nous traversons des moments difficiles, très difficiles mêmes. On essaie de faire avec mais actuellement, l’Etat, à travers son ministre Abdou Karim Fofana, nous porte préjudice. Il prend des décisions sans concertations avec les concernés et il signe des décrets compromettant notre travail», exprime Abdoul Lahad Mbacké Seck. Le jeune compte, dans son dépôt de ferraille, dixemplois directs et plus de dix emplois indirects. «llfut des temps où on travaillait avec des Indiens qui finançaient même nos activités alors que les usines ne nous donnent rien. Mais là, nous avons des difficultés avec les usines qui rachètent la ferraille. On n’a plus le droit d’acheminer les charges vers les dépôts mais dans les usines», explique notre interlocuteur.
«Le ministre du Commerce a pris un décret…»
Le ferrailleur déplore également la concurrence étrangère. «Il y a la société Gravita, des Italiens qui viennent acheter de vieilles batteries ici et ce n’est pas normal. Ils ont une usine, ils doivent se limiter à Dakar et que les ferrailleurs leur livrent leur matière première, mais ils viennent nous concurrencer sur le terrain. À la longue, on ne pourra plus trouver de la ferraille parce qu’ils proposent un meilleur prix que nous», fustige-t-il. Pour l’aluminium, c’est compromis, selon Abdou Lahad. «Le ministre du Commerce a pris un décret interdisant l’exportation de l’aluminium qui est le cœur de notre métier. Même quand on l’achète ici et qu’on veut l’acheminer à Dakar, la douane ne laisse pas passer. Ils nous font payer des pénalités. On ne charge que de la ferraille qui ne rapporte pas grand-chose alors que la moitié de mon dépôt est constitué d’aluminium». Abdou Lahad, qui informe que «plus de 1000 personnes s’activent dans la ferraille à Ziguinchor», admet «l’existence d’une concurrence interne mais supportable». «C’est entre grossistes et demi-grossistes. On connait tous les prix de vente à Dakar. Donc, chacun s’organise en fonction de ça», ajoute-t-il. Le problème, dit-il, c’est qu’on achète de la ferraille aujourd’hui et le lendemain le prix chute.
«Une activité transversale qui emploie beaucoup de gens»
Selon Abdou Lahad Mbacké Seck, «il y a beaucoup de couches sociales qui gravitent autour de la ferraille, dont des commerçants et des transporteurs». «Il y a des camionneurs qui, avant de quitter Dakar, s’assurent qu’ils peuvent transporter, au retour, de la ferraille à partir de la région avant de charger à Dakar. C’est dire l’importance de la ferraille dans le pays. C’est une activité transversale qui emploiebeaucoup de gens». «Il y a des milliers de jeunes qui gagnent légalement leur vie dans cette activité. Nous ne voulons pas embarquer dans les pirogues vers l’Europe. A défaut de nous accompagner, qu’on nous laisse travailler tranquillement. Nous réclamons l’ouverture de l’exportation à tous les acteurs, qu’ils nous laissent agir librement», dit Abdou Lahad. Ils disent avoir besoin de financement et d’accompagnement, préférable à celui des Indiens. A son avis, «Abdou Karim Fofana ne parle qu’aux industriels milliardaires», alors qu’ils sont les acteurs à la base. «Les usines ne peuvent pas acheter toute la ferraille collectée dans tout le pays. Pire, on passe entre trois et quatre jours devant les usines à attendre un déchargement. Et ils choisissent ce qui les intéresse et nous retourne le reste alors que les Indiens achètent tout», regrette-t-il.
BARHAM BA
(Correspondant)
