SONACOS SA : le Gouvernement adopte 14 mesures pour sauver et relancer la filière arachidière 

Un Conseil interministériel s’est tenu ce vendredi 22 août 2025 à la Primature, sous la présidence du Premier ministre Ousmane Sonko, et a été entièrement consacré à la situation de la Société nationale de Commercialisation des Oléagineux du Sénégal (SONACOS SA). Cette réunion a mobilisé plusieurs membres du gouvernement ainsi que le Directeur général de l’entreprise publique, signe de l’importance stratégique accordée à cette société dans l’économie nationale. Au terme des échanges, quatorze mesures concrètes ont été arrêtées afin d’assurer la sauvegarde, le redressement et la relance durable de la SONACOS SA.

La SONACOS occupe une place centrale dans l’économie sénégalaise. Elle intervient dans la filière arachidière, l’industrie de transformation et la commercialisation de produits de grande consommation. Son rôle dépasse la simple dimension industrielle : elle constitue un levier de souveraineté alimentaire et un pourvoyeur d’emplois directs et indirects, touchant des milliers de familles à travers le pays. Dans le cadre de l’Agenda national de Transformation « Vision Sénégal 2050 », qui met en avant la sécurité alimentaire et la transformation industrielle comme leviers de développement, la SONACOS est appelée à renforcer son rôle stratégique et à s’imposer comme un acteur incontournable de la modernisation de l’agriculture et de l’industrie sénégalaises.

Cependant, cette mission stratégique se trouve aujourd’hui compromise par de lourdes difficultés financières et opérationnelles héritées des gestions antérieures. La SONACOS fait face à une situation critique qui remet en cause sa pérennité et sa capacité à maintenir sa place dans le tissu économique et social. Depuis la reprise par l’État, à la suite d’une privatisation qui avait montré ses limites, d’importants appuis financiers ont été consentis. L’État, actionnaire majoritaire à hauteur de 99,9 %, a injecté entre 2018 et 2023 un montant global de 140,2 milliards de francs CFA, destiné à soutenir l’entreprise, subventionner le prix de l’arachide, rembourser des dettes contractées auprès de partenaires financiers et recapitaliser la société, notamment en 2019 à hauteur de 65 milliards.

Malgré cet effort colossal, la société a enregistré, entre 2023 et 2024, des pertes cumulées de 33 milliards de francs CFA. Cette situation a conduit à des capitaux propres négatifs de près de 9,5 milliards, révélant l’ampleur de la fragilité financière. Ce déséquilibre trouve son origine dans plusieurs facteurs : une filière arachidière profondément désorganisée, une concurrence déloyale exercée par des sociétés et acteurs étrangers, et des exportations massives de graines de qualité qui privent les industriels locaux de leur matière première. À cela s’ajoute un cadre réglementaire obsolète, hérité de textes datant de 1985, totalement inadaptés aux réalités actuelles du marché.

Un secteur soumis à des contraintes et à une forte concurrence

La SONACOS évolue dans un environnement commercial marqué par une forte concurrence et des pratiques parfois déloyales. Si l’État fixe les prix de l’arachide dans le but de protéger les producteurs, ces décisions ne tiennent pas toujours compte de la réalité économique et des dynamiques internationales. Cette situation met les huiliers en difficulté et fragilise la rentabilité de la société. En outre, le marché de l’huile comestible est caractérisé par une forte volatilité et une multiplicité d’acteurs privés qui n’appliquent pas toujours les règles édictées par les pouvoirs publics, notamment celles visant à alléger le coût de la vie pour les consommateurs.

Dans ce contexte, la SONACOS ne parvient pas à jouer pleinement son rôle de stabilisateur du marché. Soumise aux contraintes du Code des marchés publics, elle se retrouve désavantagée par rapport à ses concurrents, qui bénéficient d’une plus grande flexibilité dans leurs opérations. Cette rigidité entrave ses performances commerciales et limite sa compétitivité sur un marché hautement concurrentiel. Pourtant, la société dispose d’atouts majeurs, notamment un patrimoine foncier important et des ressources inexploitées qui pourraient représenter des opportunités de croissance et de diversification.

Malgré la vétusté des installations, restées à l’arrêt pendant deux années consécutives, la nouvelle direction, soutenue par les autorités actuelles, a réussi à amorcer une reprise encourageante. Grâce à l’appui du ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage, ainsi que du ministère des Finances et du Budget, la SONACOS a considérablement amélioré ses performances de collecte lors de la campagne 2024-2025. Les volumes collectés sont passés de 12 900 tonnes à 155 000 tonnes, démontrant une nette amélioration de sa capacité opérationnelle. Cette dynamique a permis de remettre en marche les usines et de créer plus de 2 300 emplois, redonnant ainsi espoir aux travailleurs et confiance aux producteurs.

Cette relance, bien qu’encourageante, demeure fragile. Elle nécessite des réformes profondes et un accompagnement durable de l’État afin de consolider les acquis et de permettre à la SONACOS de se repositionner comme un acteur compétitif et autonome dans la filière.

Dans le cadre du redressement de la société, un plan opérationnel sera mis en œuvre dès 2026. Celui-ci sera axé sur les métiers de base de la SONACOS : la collecte, la transformation et la commercialisation des graines d’arachide et de leurs dérivés. Pour être viable, ce plan repose sur plusieurs préalables. Il s’agit de reconstituer les capitaux propres, d’assurer une croissance continue des niveaux de production, de limiter les exportations de graines brutes, de moderniser les infrastructures industrielles, d’instaurer un prix économique de la graine favorable aux huiliers tout en préservant l’intéressement des producteurs, et enfin, d’obtenir une dérogation au Code des marchés publics pour permettre plus de souplesse et de compétitivité dans la gestion.

L’État a affirmé son engagement à accompagner la société dans la mise en œuvre de ces prérequis. De plus, la SONACOS poursuivra la réalisation de projets structurants sous la forme de partenariats public-privé, afin de mobiliser les investissements nécessaires et de tirer profit des synergies avec le secteur privé. À l’horizon 2031, l’objectif est clair : la SONACOS devra être en mesure de financer de manière autonome ses campagnes de commercialisation agricole et de commencer à verser des dividendes à ses actionnaires.

Quatorze mesures pour relancer durablement la SONACOS

Au terme du Conseil interministériel, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé une série de quatorze mesures destinées à assurer la survie et le redressement de la SONACOS. Ces mesures couvrent plusieurs domaines essentiels. Elles concernent la reconstitution des capitaux propres, la mise à jour du plan stratégique 2026-2031 et des contrats de performance, ainsi que la prise en charge, par l’État, de la différence entre le prix économique de l’arachide et celui versé aux producteurs, pour un montant de plus de neuf milliards de francs CFA.

Elles incluent également la mise en place de mesures fiscales et douanières favorisant la compétitivité, le soutien à la régulation du marché de l’huile pour stabiliser les prix à la consommation, et la protection des tourteaux locaux face à la concurrence des importations, à travers une révision des droits d’entrée et la mise en place de quotas. Le gouvernement s’engage par ailleurs à faciliter l’accès de la SONACOS aux financements d’investissement, à adapter les conditions de financement des campagnes de commercialisation, et à inscrire le renouvellement des infrastructures dans le cadre du Code des investissements.

Les mesures portent sur l’accompagnement institutionnel pour accélérer les procédures administratives, le renforcement de la régulation de la filière arachidière, l’accès au foncier à travers les programmes du ministère de l’Agriculture, ainsi qu’un suivi rapproché de la mise en œuvre des décisions par des points focaux dans les ministères concernés, sous la coordination du Secrétariat général du Gouvernement.

À travers ce Conseil interministériel, le gouvernement réaffirme sa volonté de préserver un acteur stratégique pour l’économie sénégalaise et de restaurer son rôle de pilier de la souveraineté alimentaire et de la compétitivité industrielle. Les quatorze mesures adoptées traduisent une volonté politique forte de transformer les difficultés actuelles en opportunités, et d’inscrire la SONACOS dans une trajectoire durable de croissance, de rentabilité et de contribution au développement national.

Cheikh Thiam