Depuis que Macky Sall est désigné tête de liste de la coalition Takku-Wallu, les supputations vont bon train sur son éventuel retour au Sénégal pour battre campagne. Viendra, viendra ? That’s the question. Selon Dr Mbaye Cissé, Chercheur et Spécialiste en Études de Droit Comparé, si l’ex-Président se rend au Sénégal, il sera arrêté manu militari par le procureur de la République et mis en examen pour crimes contre l’humanité, actes de torture et exils forcés, prohibés par le Statut de Rome dont le Sénégal est signataire. Votre quotidien préféré a interrogé le Spécialiste en Études de Droit Comparé sur l’éventualité d’une arrestation de Macky Sall en de retour au Sénégal.
Si le Président Macky Sall se rend au Sénégal, il sera arrêté manu militari par le Procureur de la République et mis en examen pour crime contre l’humanité, actes de torture et exils forcés, prohibés par le Statut de Rome dont le Sénégal est signataire.
« Macky Sall, tête de liste de l’alliance Takku-Wallu, ne peut, en aucun cas, revenir au Sénégal sous peine d’être arrêté pour crimes atroces perpétrés durant son régime »
L’ancien Président sénégalais Macky Sall, tête de liste de l’alliance Takku-Wallu, ne peut, en aucun cas, revenir au Sénégal sous peine d’être arrêté pour crimes atroces perpétrés durant son régime. La loi d’amnistie en tant que loi ordinaire ne peut pas le couvrir et ne peut se prévaloir sur les normes de la Convention créant la Cour pénale Internationale. Le Sénégal pays signataire du statut de Rome peut connaitre les crimes relevant de la compétence de la CPI. Même avec le principe de subsidiarité, le préambule de la Convention de Rome affirme que « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale.» Il est aussi rappelé dans le Statut qu’il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux.
En principe, la Cour pénale ne sera compétente que lorsque les juridictions nationales sont défaillantes et l’adoption de la loi d’amnistie du 06 mars 2024 par l’Assemblée nationale du Sénégal ne peut pas empêcher la justice sénégalaise de connaitre cette affaire qui relève des crimes internationaux prohibés par le droit international qu’une simple loi ordinaire ne peut pas effacer. Il est même interdit par le doit international d’amnistier les crimes de sang aussi atroces.
«Le Président Macky Sall ne peut pas échapper à la justice ; si, une fois, il débarque au Sénégal, ni la loi d’amnistie encore moins son statut d’ancien Président ne pourra lui servir de refuge»
Il y a des obligations qui pèsent sur les États au regard du droit pénal international. Ici, l’amnistie des crimes internationaux pour lesquels il existerait une obligation d’extrader ou de punir les auteurs de ces crimes va, en règle générale, à l’encontre des obligations des États ayant ratifié ces conventions. En effet, le droit conventionnel prévoit plusieurs clauses qui imposent aux États de poursuivre ou d’extrader les responsables des infractions que ces traités définissent. Le Sénégal a lui-même joué un rôle crucial dans l’élaboration d’une base juridique pénale internationale et africaine. Il a posé les premiers jalons liés à la lutte contre l’impunité en Afrique dans le cadre de ces types de crimes atroces avec l’organisation du procès de Hissène Habré devant les Chambres Africaines Extraordinaires.
Il a au moins posé trois actes concrets notamment :
– La ratification du Statut de la CPI,
– L’adoption de la loi sur la Compétence universelle en 2007
– La création des Chambres Africaines Extraordinaires pour le procès de Hissène Habré en 2013.
Fort de tout cela, le Président Macky Sall ne peut pas échapper à la justice. Si, une fois, il débarque au Sénégal, ni la loi d’amnistie encore moins son statut d’ancien Président ne pourra lui servir de refuge. Le Parquet va appliquer l’article 27 du Statut de Rome qui remet en cause la qualité officielle d’une autorité étatique impliquées dans des actes de crimes internationaux. Cette disposition consacre le défaut de la pertinence de la qualité officielle et dispose en son alinéa 1 que : « Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.»
«Quelle que soit la qualité de l’autorité – Président ou Ministre, députés, commandant, général –, son statut n’empêchera pas la justice de la poursuivre»
Quelle que soit la qualité de l’autorité – Président ou Ministre, députés, commandant, général –, son statut n’empêchera pas la justice de la poursuivre. Avec la ratification du Statut de la CPI, le procureur de la République n’est pas lié par la loi d’amnistie en tant que loi ordinaire inférieure aux normes de la Convention de Rome signée et ratifiée par l’Etat du Sénégal. Il est de principe en droit international qu’amnistier des crimes internationaux viole les normes erga omnes et de jus-cogens.
C’est une loi machiavélique qui n’est pas comparable à un acte de nettoyage de scène de crime et de preuves contre des criminels. Même les députés qui ont adopté cette loi risquent gros devant la Justice pénale interne ou internationale. Ils ont transgressé les lois de l’humanité. Ils encourent des poursuites pour complicité et destruction de preuves liées aux crimes contre l’humanité et actes sous-jacents. Donc si le Président Macky Sall ose poser les pieds au Sénégal le procureur de la République peut user de son pouvoir proprio-motu (d’auto-saisine) de le mettre en examen même en l’absence de plaintes des victimes et familles.
Dr. MBAYE CISSÉ
Chercheur
Spécialiste en Études de Droit Comparé
Membre de la Société civile