Le chroniqueur Bachir Fofana a comparu ce mercredi 2 juillet 2025 devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Dakar. Inculpé pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation, il avait été placé sous mandat de dépôt la veille de son audience. Celle-ci a été émaillée de perturbations, notamment dues à l’attitude d’un de ses avocats, Me El Hadji Diouf, contraignant le juge à suspendre temporairement les débats. Après une pause de dix minutes, à la suite de l’intervention d’un autre avocat de la défense, l’audience a repris avant que l’affaire ne soit finalement renvoyée au 16 juillet. La date du délibéré, quant à elle, est fixée au 9 juillet.
Une vidéo polémique au centre du dossier
Les poursuites engagées contre Bachir Fofana découlent de la diffusion d’une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans cet enregistrement, le chroniqueur affirmait que le marché public relatif à l’acquisition de véhicules avait été attribué à un certain Cheikh Gueye, qu’il présentait comme un individu déjà condamné pour corruption. Ces propos ont suscité une réaction immédiate du ministre de la Communication, El Malick Ndiaye, présenté dans la vidéo comme étant impliqué dans cette affaire. Le ministre a porté plainte pour diffamation, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires.
À la barre, un chroniqueur sur la défensive
Devant le tribunal, Bachir Fofana a nié toute intention malveillante. Il a affirmé que ses déclarations reposaient sur une source qu’il estimait fiable au moment des faits. « Je pensais dire la vérité, car l’information venait d’une personne qui ne m’avait jamais induit en erreur », a-t-il expliqué. Il a également déclaré avoir procédé à certaines vérifications préalables avant de publier les informations. Toutefois, il a reconnu que des éléments nouveaux étaient apparus depuis, remettant en question ses assertions initiales. « On m’a par la suite informé que le marché avait été attribué à d’autres personnes. C’est pourquoi je ne maintiens plus mes propos », a-t-il ajouté.
Une procédure remise en question par la défense
Bachir Fofana a également contesté la régularité de la procédure. Selon lui, il n’avait pas été informé de l’existence d’une plainte lors de sa première audition. Il affirme avoir été convoqué sur la base d’une autosaisie du procureur, sans notification officielle de la plainte initiale. Ces éléments ont été soulevés par la défense pour remettre en cause la base légale de la poursuite.
Par ailleurs, les incidents survenus durant l’audience, causés par les prises de parole répétées et jugées perturbatrices de Me El Hadji Diouf, ont conduit à plusieurs interruptions. Le président du tribunal a dû rappeler à l’ordre les avocats et le prévenu, avant de suspendre brièvement l’audience, qui a finalement été renvoyée à une date ultérieure.
Le parquet requiert une peine de prison ferme
Dans son réquisitoire, le parquet s’est appuyé sur l’article 255 du Code pénal pour qualifier les faits de diffamation. Il a soutenu que les accusations portées par Bachir Fofana à l’encontre de Cheikh Gueye étaient dénuées de fondement et constituaient une atteinte grave à l’honneur. Le procureur a par ailleurs invoqué les articles 13 et 16 du Code de la presse, rappelant que les professionnels de l’information ont l’obligation de vérifier l’exactitude des faits avant toute publication. Selon le ministère public, le chroniqueur a agi de mauvaise foi et a nui à la crédibilité des institutions, en l’occurrence à l’Assemblée nationale et à son président, El Malick Ndiaye.
Le parquet a ainsi requis une peine de six mois d’emprisonnement, dont trois mois ferme, assortie d’une amende de 200 000 francs CFA.
Une défense qui plaide la liberté de la presse
Les avocats du prévenu ont, de leur côté, plaidé la relaxe, invoquant la liberté d’expression et la liberté de la presse comme piliers fondamentaux d’une démocratie. Ils ont dénoncé une procédure qu’ils estiment biaisée, affirmant que le ministère public aurait ignoré la responsabilité éditoriale du site ayant publié la vidéo. Selon eux, leur client a été ciblé de manière sélective. « Même si un journaliste commet une erreur ou diffuse une fausse nouvelle, c’est au Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (CORED) d’en juger, et non au tribunal correctionnel », ont-ils soutenu.
L’un des avocats a toutefois reconnu que Bachir Fofana avait pu être induit en erreur par des informations inexactes. Mais pour la défense, aucun élément concret n’a été produit par l’accusation pour démontrer l’intention délictueuse du prévenu.
Le tribunal de grande instance de Dakar a mis l’affaire en délibéré pour le 9 juillet 2025. En attendant, les débats autour de cette affaire continuent de susciter de vifs échanges dans l’espace public, tant sur la place de la liberté de la presse que sur les responsabilités juridiques des journalistes dans le traitement de l’information sensible.
Cheikh Thiam