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CHRONIQUE D’ALBERT LA DÉCHÉANCE DES LEADERS D’OPINIONS POLITIQUES

Les résultats électoraux des candidats des partis et coalitions de partis à la dernière présidentielle de mars 2024 et des législatives de novembre de la même année constituent des indicateurs d’un phénomène majeur peu étudié par les acteurs, leaders d’opinions politiques et les médiaux nationaux. En effet, les victoires successives écrasantes de la Coalition Diomaye Président et de la liste du Pastef à la députation masquent le phénomène massif de la déchéance des hommes et femmes politiques en général, singulièrement des formations classiques ou traditionnelles et leurs dissidences. Certes, le Pastef est l’exception organisationnelle confirmant le mal global, si on se fie à ses performances électorales à la limite historiques, à ses deux rendez-vous cruciaux de la vie politique nationale.

Le succès des Patriotes n’explique pas la défaite des partis politiques estimés à plus de 400 formations par diverses sources documentaires. Cette explication des défaites des leaders d’opinions politiques par le succès des patriotes serait un raccourci simpliste. C’est une lecture trop réductrice des causes d’un fait social, culturel et politique fondamental pour comprendre les enjeux de la déroute des acteurs politiques dans un contexte de mutations profondes de la conscience citoyenne et de l’engament politique au Sénégal.

Dans le passé, des partis ont, par exemple, gagné successivement des élections présidentielles et des législatives. Pour autant, on ne peut évoquer la déchéance des partis sous le règne des socialistes de 1960 aux années 2000, des libéraux et des républicains de 2000 à 2024. En dépit de l’hégémonie du parti majoritaire à ses époques, les rapports de forces électorales entre le parti gouvernant et les partis de l’opposition n’étaient pas à l’image des résultats de l’année dernière. Pratiquement, à l’exception du Pastef, tous les partis classiques et leurs dissidents se sont effondrés politiquement et électoralement. Certains vont disparaître électoralement.

D’autres seront des figurants ou seront contraints de chercher des mères porteuses et des candidats aux élections nationales et locales. Le parti se meurt lentement et sûrement. Les causes structurelles de cette chute vertigineuse des leaders d’opinions politiques résultent de l’enchevêtrement de plusieurs facteurs constitutifs du cycle d’une déchéance organisationnelle et politique.

La fin du cycle de vie politique nationale semble être une donnée sociale, culturelle à prendre en compte pour comprendre les raisons de la déchéance complexe des partis et des acteurs politiques qui les animent. Les partis politiques qui ont rythmé et donné vie à l’action politique nationale durant les dernières décennies se sont essoufflés au fil des élections. Ils ont perdu l’aura, l’influence, la crédibilité légendaire et les marqueurs du sacerdoce. Les deux plus grands partis socialiste et démocrate qui ont gouverné près de cinq décennies ont passé le pouvoir à une dissidence sortie de leurs flancs sont pratiquement tous au bord de l’exclusion de la vie politique.

L’arrivée au pouvoir de la formation patriotique dix ans après sa naissance symbolise la fin du cycle de règne des courants socialiste et libéral. Les résultats médiocres des dissidents des grands partis leaders aux élections de l’année 2024 confirment la déchéance de cette génération de partis politiques vieillissants et l’ouverture d’une nouvelle ère politique. La fin de l’hégémonie des vieux partis entretient des liens étroits avec les effets de la crise du modèle de partis. Le parti politique tel que pensé et conduit après les indépendances avait un schéma organisationnel bâti par le chef historique, son équipe, ses militants et ses ramifications dans le monde du travail à travers des dirigeants syndicalistes influents affiliés au parti et dans la société à travers des leaders communautaires ancrés dans le tissu social, culturel et religieux.

On a parlé à juste titre de parti de masse. Le parti était un fécond creuset de formation des cadres et un dynamique espace de réflexion au sujet des orientations politiques et des projets de société. Ce modèle organisationnel a progressivement disparu avec l’explosion du pluralisme des partis et des chefs de partis anonymes. Le nombre croissant d’une décennie à l’autre des partis créés de toutes pièces par des dissidents entre quatre murs et des cadres sénégalais aspirant à devenir des gouvernants cristallisent le mal de croissance d’un modèle en désuétude.

Actuellement, les partis cabines téléphoniques se comptent par centaines. On ne sait quoi en faire. Tout le monde veut être chef de parti, candidat à la présidentielle et à l’Assemblée nationale. La crise de confiance citoyenne est naturellement une des conséquences de cet effondrement éthique et moral du parti détourné de ses véritables missions politiques cardinales traditionnelles. La perception que les électeurs ont de plus en plus du parti, du chef et de l’acteur politique s’est modifié profondément au cours de la crise des appareils politiques perdant la noblesse et le sens de l’engagement militant.

La déchéance n’est point une fatalité. C’est un phénomène social et culturel. Toutefois, il faut avoir la bonne lecture politique de ses causes structurelles pour être en mesure de créer les conditions d’une rupture avec les pesanteurs d’une crise profonde des appareils et des leaders d’opinions politiques.

 

MAMADOU SY ALBERT

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Gora THIAM
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Gora THIAM
3 jours il y a

Bonjour,

Je tiens à vous remercier sincèrement, ainsi que votre correspondante à Thiès, M. Malick Sarr GUEYE, pour l’article publié dans votre quotidien Yoor-Yoor Bi, mettant en lumière la cérémonie de rentrée de la nouvelle promotion (44 ème) de l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA) de Thiès.
C’est un réel plaisir de voir les activités de l’école valorisées dans un média aussi suivi, et nous vous en sommes très reconnaissants.

Je me permets toutefois d’apporter une précision importante à l’attention de votre rédaction : contrairement à ce qui est mentionné dans l’article, l’ENSA n’est plus un pôle agronomique de l’Université de Thiès. En effet, elle est désormais directement rattachée au Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), conformément au décret n°2023-2304 du 1er décembre 2023 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’école.

Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir, si possible, corriger cette information dans vos prochaines publications.

Par ailleurs, l’ENSA est une institution publique qui reste ouverte et pleinement disponible à collaborer avec votre rédaction pour couvrir ses futurs événements académiques et scientifiques. Votre présence et votre appui médiatique sont très précieux pour faire rayonner nos actions et nos engagements au service de l’agriculture et du développement durable.

Encore merci pour votre professionnalisme et votre soutien.

Bien cordialement,

Yapay Zeka Destekli İmplant
Invité
Yapay Zeka Destekli İmplant
18 heures il y a

Yapay Zeka Destekli İmplant İmplantlarım o kadar doğal duruyor ki kimse anlamıyor. https://inspireafrika.com/?p=10552