Huit mois après la défaite de la majorité présidentielle conduite par l’Alliance Pour la République entre 2012 et 2024, nous assistons à un effondrement politique de la grande coalition du Benno Bokk Yaakaar et des nouveaux opposants au pouvoir des patriotes. Le processus qui a mené à cet effondrement résulte de la conjugaison de plusieurs erreurs politiques fatales accumulées par le camp présidentiel et ses souteneurs déclarés officiellement ou non.
La première erreur politique de l’ancien Président de la République, Macky Sall, est la stratégie mise en œuvre et exécutée par les responsables du Benno pour écarter le Président du Pastef, Ousmane Sonko de la présidentielle 2024. Le pré texte sera l’affaire Adji Sarr. Ainsi donc, le parti présidentiel de l’époque, les alliés, la presse et l’appareil d’Etat se mobiliseront pendant au moins trois ans pour conforter la victime présumée dans ses convictions et certitudes carrées de viol imaginaire et de menace de mort sans cause réelle. Certains acteurs des médias et de la société civile joueront leur partition dans un long feuilleton macabre secrétant périodiquement des violences sociales et des états de siégé. En face de la machine politique, médiatique et étatique pour le broyer politiquement et humainement, Ousmane Sonko, le responsable et candidat Président du Pastef va opposer une stratégie de défense et de protection contre ce qu’il qualifie dès ses premières heures de complot ourdi au sommet de l’Etat avec la complicité d’un maitre d’œuvre prêt à tout pour satisfaire ses désirs inavouables. Deux stratégies antinomiques vont rythmer la cadence de toute la vie politique nationale durant plus de deux années. Tout est suspendu à cette affaire rocambolesque et à son dénouement heureux ou non. L’emprisonnement du Président du Pastef sera l’aboutissement final recherché par le pouvoir dont les yeux et les moyens sont déployés exclusivement pour la non-participation du Pastef quel qu’en soit le prix à payer.
Paradoxalement, cette stratégie aveugle va produire un effet contraire aux attentes du camp présidentiel. Sonko prisonnier est encore plus dangereux que libre dans ses déplacements. Il devient de fait le prisonnier héros de la résistance contre le troisième mandat et l’incarnation de la seule alternative de l’opposition radicale la plus crédible au régime républicain. Le procès tant attendu accouche d’une souris. Pas de viol. Point de menace de mort. L’infraction tirée par les cheveux ne convainc personne. Y compris des partisans du pouvoir ne revenant pas de leurs illusions. On en rit dans les réseaux. Circulez !
Comment un pouvoir étatique a pu se tromper dans sa stratégie et son adversité ? Le Pastef est décapité. Tous ses principaux responsables sont en prison. Le Pastef est dissout. Par un subterfuge politicien ; un ministre de la République en exercice accuse son adversaire politique de diffamation. Mame Mbaye Niang réussira à condamner Ousmane Sonko pour diffamation assortie d’une amende salée. Plus de 200 millions de CFA. Une bagatelle. L’échec du procès de la masseuse est occulté par la condamnation excluant définitivement le candidat du Pastef de la course présidentielle. Les adversaires des patriotes n’avaient pas vu venir la contre stratégie du leader des patriotes. Il sortira de sa cellule de prison le scénario du candidat inattendu et la stratégie de la libération des otages qui mènera à la victoire du Président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. D’erreurs en erreurs, le Président sortant sera contraint de se retirer. L’Apr sera la victime collatérale de la stratégie jusqu’auboutiste de son chef et des radicaux. Le Bennoo se disloque. Les alliés naturels du Pastef se compromettent avec un régime finissant en se rendant au fameux dialogue national. Une autre erreur fatale visant de manière sournoise à entériner et à valider l’exclusion du Pastef. L’Apr ne semble pas avoir appris grand-chose de tous les épisodes passés
Ce qui passe depuis huit mois a des liens étroits avec les erreurs fatales de l’ancienne majorité présidentielle. Les nouveaux opposants regroupant les Républicains, les nouveaux compagnons des Républicains dans l’opposition n’ont pas tiré toutes les conséquences et enseignements des déboires et erreurs fatales de l’Alliance Pour la République. La défaite du candidat du Bennoo et des opposants hier à la dernière présidentielle se confirme aux législatives du 17 novembre 2024. À force de vouloir ramer contre la puissance montante du Pastef et du leadership de Ousmane Sonko : les anciens alliés de Yewwi Askan et la Nouvelle Responsabilité ont été sanctionnés par les électeurs. L’Apr s’en sort mieux avec un groupe parlementaire. Et encore ! Grâce au Pds perdu dans son propre jeu d’alliances contreproductive de bons résultats avec un pouvoir qui l’a réduit à sa simple expression parlementaire. Comment expliquer l’hégémonie depuis 2021 du Pastef dans le paysage politique sénégalais et africain ? Il contrôle tous les leviers du pouvoir étatique. Il gagne haut la main une présidentielle et des législatives avec des scores sans débats. Des performances politiques historiques. Les temps ont réellement changé. Il faut accepter le leadership du Pastef et l’adhésion des citoyens sénégalais à la rupture et aux changements des pratiques de gouvernance. L’intelligence en politique consiste à reconnaitre ses erreurs politiques, sa conduite et la supériorité de l’adversaire. Ce n’est point de la faiblesse. Sans cette capacité intellectuelle et éthique de reconnaissance de ses faiblesses et de ses erreurs, le politique qui sème le vent du désespoir ne peut récolter que la tempête électorale dans un désert politique. Malheureusement, les acteurs politiques sénégalais peinent toujours dans cet exercice démocratique à cause de l’égo excessif, surdimensionné et des critiques subjectivistes, crypto-personnelles.
MAMADOU SY ALBERT