Barthélémy Dias sort ses griffes
L’édile de la capitale sénégalaise a fait face à la presse hier pour revenir sur certaines questions qui secouent l’actualité nationale en rapport avec sa coalition politique. Barthélémy Dias a ainsi évoqué des sujets relatifs à sa probable révocation de la mairie de Dakar, sa radiation de l’Assemblée nationale et la mort en détention de son garde rapproché, Bassirou Diop.
HABIBATOU TRAORÉ
Le maire de Dakar a perdu ce weekend un de ses gardes rapprochés décédé en détention. Bassirou Diop a été arrêté pendant la campagne électorale à la suite des affrontements dans la ville de Saint-Louis et qui ont impliqué le convoi de la coalition Sam Sa Kaddu. Barthélémy Dias qui a fait face à la presse hier est convaincu que Bassirou Diop n’est pas mort à l’hôpital. Dias fils interpelle, à cet effet, le procureur de la République de Saint-Louis pour tirer cette affaire au clair.
Tirer au clair la mort de Bassirou Diop
« Je souhaiterais dire que ce dossier sera bien défendu au niveau local. Il n’est pas question de laisser ceci passer par pertes et profits. La police est responsable de ce qui s’est passé lors de cette agression et le ministre de l’Intérieur a des comptes à rendre au peuple sénégalais. Bassirou Diop est un citoyen qui n’est pas mort d’une mort naturelle. J’aimerais que le ministre de l’Intérieur puisse apporter des éclairages par rapport à ce que je viens de dire. À l’international aussi, ce qui devra être fait le sera ; il est temps que les gens qui dirigent ce pays puissent comprendre que le Sénégal est un Etat qui a signé et ratifié des conventions. On ne peut pas tuer comme on veut dans ce pays et faire ce que l’on a envie de faire », a relaté le maire de Dakar.
Barthélémy Dias renseigne d’ailleurs qu’en accord avec la famille du défunt, il est convenu de procéder à une autopsie avant l’inhumation. Il invite ainsi la justice à plus de responsabilités et de retenue et d’être à équidistance des affaires politiques.
« Les 80 personnes qui sont à Saint-Louis n’ont rien à faire en prison ; elles sont otages parce qu’on a voulu arrêter un leader politique. Cela nous peine de voir après toutes ces années de lutte om nous nous sommes battus pour que le Sénégal devienne une démocratie que ces mêmes personnes avec lesquelles nous nous avons cheminé décident de ramener le Sénégal encore en arrière », se désole l’ancienne tête de liste de Samm sa Kaddu.
Dans sa déclaration, le maire de Dakar est revenu dans les détails sur les faits qui ont conduit à l’interpellation de Bassirou Diop et de ses codétenus. « Une autorité s’est permise durant la campagne d’élever la voix pour dire que le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice ne faisaient pas leur travail sous prétexte que l’on nous accusait d’être à l’origine de certaines violences. Tous ceux qui ont suivi le procès savent qu’il n’y a pas eu de violences à Saint-Louis, mais plutôt des provocations et c’est ce qui se passe quasiment dans toutes les campagnes électorales au Sénégal à savoir des échauffourées ». Aux yeux de Dias fils, dans cette affaire, il s’agissait de vouloir « faire plaisir au prince ». Et c’est, à cet effet, s’insurge-t-il, qu’il a été décidé d’arrêter un seul convoi sur 41. L’objectif, relève-t-il, était d’arrêter la tête de liste de la coalition pour saboter la campagne de Samm Sa Kaddu et l’empêcher ainsi de battre campagne à Dakar. « Tous les moyens ont été utilisés, y compris les plus irresponsables et inacceptables. On n’a jamais vu dans ce pays, des soi-disant responsables d’un parti au pouvoir menacer ouvertement qu’un candidat ne battrait pas campagne. Les instructions étaient d’arrêter ce convoi et de m’arrêter, car, semble-t-il, dans ce convoi, il y aurait des armes à feu. Ce convoi a été fouillé de fonds en comble et on n’a jamais trouvé d’armes à feu », précise Barthélémy Dias.
Dias fils rappelle que son cortège a été intercepté par la Brigade d’intervention polyvalente (BIP) avec des véhicules et une centaine d’éléments tous encagoulés. Il accuse à ainsi les éléments de la Bip d’avoir tiré sur des éléments de sa sécurité. Ce qui a, dit-il, engendré des blessures avec une violence inacceptable. « A l’heure où je parle, peut-être que l’administration pénitentiaire s’est ressaisie entre-temps, mais certains de nos éléments ont été conduits à l’hôpital de Saint-Louis. Ceux qui y sont tous arrivés ont été mal en point ».
Barth « insensible » à sa radiation de l’Assemblée nationale
Sur sa radiation de son siège de député de la XVe législature sur demande du ministre de la Justice, le maire de Dakar reste insensible. Il confie qu’il n’a jamais souhaité siéger à l’Assemblée nationale pour des raisons personnelles. D’après l’opposant au nouveau régime, sa démission aurait dû d’ailleurs être enregistrée le jour de l’ouverture et de l’installation de la 15e législature, mais il était en déplacement à Saint-Louis pour les besoins du procès de ses 80 camarades détenus. « Et par respect à l’institution, j’avais écrit pour m’excuser auprès du président de l’Assemblée nationale et j’avais indiqué les raisons de mon absence. J’avais donné une procuration à Anta Babacar Ngom pour qu’elle puisse voter pour moi. Ce qui est en train de se tramer, ce n’est pas l’Assemblée nationale mais autre chose que l’on n’acceptera pas. Si j’étais aujourd’hui élu président de la République du Sénégal, est-ce que quelqu’un oserait me déchoir de mon mandat ? Le Sénégal a un règlement intérieur et nous avons une Charte fondamentale qui est la Constitution. Il y a une différence entre un délit et un crime ».
À en croire Dias fils, l’Assemblée nationale considère, dans son règlement intérieur, qu’un condamné pour un délit ou un crime de façon définitive est radié sur demande du ministère de l’Intérieur de la liste des députés du mandat en cours. « Ceux qui sont de mauvaise foi ou de mauvaise volonté, ils sont libres, mais à chacun son tour. Et pour ceux qui se réjouissent de cette radiation, vous me permettez de vous dire qu’en toute humilité, je n’ai pas ma place dans cette Assemblée nationale du Sénégal pour des raisons qui me sont propres. Je demande au ministre de l’Intérieur si sur les 165 députés, je suis le seul à être condamné définitivement. La condamnation définitive n’est pas la décision de la Cour suprême, elle ne juge pas, mais constate des procédures. La condamnation définitive intervient avec la Cour d’appel et je rappelle que cette instance m’a condamné en 2017. J’interpelle le ministre de la Justice qui est un magistrat et pas un homme politique. Les cinq ans sont passés depuis belle lurette, mais je ne suis pas intéressé par le siège de cette 15e législature. Par respect pour les Sénégalais, je vous demande de radier un autre député qui a aussi été condamné définitivement sinon cela risque d’être du deux poids deux mesures », martèle-t-il.
Barthélémy Dias se demande en outre si avec l’abrogation de la loi d’amnistie, l’actuel président de la République ou son Premier ministre seraient toujours respectivement au Palais de la République ou à la Primature. Le maire de Dakar rappelle que ses vis-à-vis ont été élargis à cause de cette loi d’amnistie. Il annonce ainsi le dépôt d’un recours non pour retourner siéger à l’Assemblée nationale mais plutôt pour permettre aux Sénégalais de voir si les tenants actuels du pouvoir sont des personnes sérieuses et qui croient à l’Etat de droit.
Le traumatisme de la révocation de la mairie de Dakar
En ce qui concerne sa révocation agitée de la tête de la mairie de Dakar, Barthélémy Dias indique qu’il y a des choses qui seront inacceptables à la ville de Dakar. Se voulant plus clair, Dias fils précise qu’il ne bougera pas d’un iota de la mairie de Dakar. D’après lui, le Sénégal est un pays dans lequel on ne voit jamais la personne qui provoque, mais plutôt celle qui se venge. « Je souhaiterais interpeller les bailleurs de fonds, les partenaires techniques et financiers de ce pays. Le Sénégal est un Etat respecté parce qu’il respecte certains critères. On ne peut passer son temps dans une République et décider d’enlever à d’honnêtes citoyens leur mandat électif seulement parce qu’on est fâché et qu’on veut se venger », dit-il.
Barthélémy Dias reconnaît qu’en politique, il faut donner des coups et accepter d’en recevoir, mais la politique est avant tout, fait-il savoir, une histoire de gentleman et ne peut être faite que par des personnes qui comprennent le sens de l’élégance et de la courtoisie citoyenne. « Nous sommes des citoyens, sommes dans une République et nous savons que l’Etat a le droit d’envoyer des inspections. Je suis à ma quinzième année de maire, j’ai été inspecté et audité plusieurs fois. Je n’ai jamais été inquiété sur un quelconque mandat, ce n’est pas aujourd’hui parce que quelqu’un est fâché et qu’il veut se venger qu’on va décider subitement que je suis devenu un voleur ou un escroc, je ne l’accepterai pas non plus. Je ne suis pas violent, mais je ne me laisserai pas marcher sur les pieds ».
Pour le maire de Dakar, le régime de Bassirou Diomaye Faye a trois ennemis à combattre au lieu de s’attaquer à des opposants. L’édile de la capitale sénégalaise estime que Ousmane Sonko et son équipe doivent faire face à la vie chère, à la problématique de l’emploi des jeunes et surtout à la relance de l’économie sénégalaise avec l’appauvrissement des Sénégalais et la perte sèche du pouvoir d’achat.