L’avènement du Pastef au sommet du pouvoir étatique à l’issue de la présidentielle de mars 2024 constitue en soi une rupture systémique avec les changements continuels au sommet du pouvoir étatique après les alternances de 2000 et de 2012. C’est en effet, la première fois que les électeurs portent au Palais présidentiel une formation se réclamant du patriotisme, de la souveraineté politique et économique et du développement endogène du Sénégal et du panafricanisme. Ce choix stratégique impulsé par le Pastef et ses alliés rompt avec le système post-colonial bipolaire par essence, tel qu’il a été façonné et transmis par le Président Léopold Sédar Senghor et préservé par ses successeurs Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall. L’avènement du troisième changement du 24 mars 2024 est une réelle alternative politique au modèle du régime présidentialiste et du développement extraverti. La réussite du projet alternatif casse le jeu traditionnel dominé par les socialistes et les libéraux démocratiques et/ou républicains. Le Pastef victorieux place ainsi les différents pontes de l’ancien régime post-colonial dans l’opposition. Le rapport de force oppose désormais le camp des patriotes au camp de l’opposition plurielle. De nombreux chefs de partis qui ont lutté contre le président de la République, Macky Sall et son pouvoir se dressent paradoxalement contre la mouvance présidentielle patriotique.
Ce processus de recomposition unifiant les néo-opposants et certains de leurs adversaires d’hier relève de l’inédit dans la trajectoire politique du Sénégal. A la place d’une néo-opposition républicaine et ses anciens alliés, nous assistons à l’irruption d’une opposition par procuration et d’une néo- opposition éclatée, déchirée par des querelles internes au sein de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar qui a gouverné pendant douze ans, de 2012 à 2024. Des pans entiers de l’opposition à l’ancien régime républicain ont basculé subitement dans l’opposition frontale au président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, élu au premier tour avec de 54 % des suffrages exprimés et son régime. Il y a seulement huit mois, cette opposition plus radicale que les mauvais perdants républicains étaient à côté des forces démocratiques et patriotes dans la lutte pour le changement de régime. Qui veut tromper qui ?
Ainsi donc consciemment ou inconsciemment, les anciens adversaires du pouvoir républicain se transforment en des alliés objectifs de la nouvelle opposition et des maitres chanteurs du peuple souverain. Le mariage scellé entre les opposants par procuration et les néo-opposants est presque un mariage contre nature et sans lendemain. La peur de disparaitre du jeu politique représente une véritable hantise pour les uns et les autres. Les adversaires du pouvoir patriotique sont pris dans le piégé d’un jeu d’intérêts. La perte du pouvoir a secrété la psychose et un affolement sans précédent aussi bien chez les néo- opposants que dans les rangs des opposants par procuration. Les deux catégories d’opposition épidermique ne supportent pas apparemment l’idée d’être gouvernées par des Patriotes qu’ils qualifient à tort d’amateurs et d’incapables. Peu importe pour eux, la confiance du peuple souverain et l’espoir d’une nation libre et indépendante. L’invective journalière, la critique personnifiée, la perte du sens des responsabilités et du sang froid sont des armes que les opposants utilisent systématiquement pour dénigrer, désinformer, pour nier toute légitimité au Pastef et au pouvoir d’un président de la République, le mieux élu depuis plus de soixante ans.
Dans ce contexte marqué par la peur de rester longtemps dans l’opposition si ce n’est aller en prison, le Pastef et ses alliés devront faire preuve de lucidité face à ses adversaires désarmés. Il faut faire preuve d’intelligence dans le décryptage des enjeux de pouvoir pour éviter de tomber dans les pièges d’un psychodrame et des invectives dans lesquels se meuvent des adversaires menant une guerre crypto- personnelle perdue à l’avance. Il faut recentrer le débat autour du changement alternatif, de la rupture avec les anciennes pratiques politiciennes et le discours politicien des néo-opposants et des adversaires par procuration. Le Pastef doit être à l’avant-garde du changement des comportements et de vision de la gouvernance politique, économique et des valeurs éthiques républicaines. Les Sénégalais ont déjà démystifié et démythifié les opposants par procuration et exigent l’impératif de tourner la page des héritiers du système post-colonial qui a atteint ses limites historiques.
MAMADOU SY ALBERT