Editorial

LA RUPTURE ANNONCÉE Un talon d’Achille pour le nouveau pouvoir ?

La nécessité de rompre avec l’ancien régime était une évidence pour l’opposition d’alors, compte tenu des dérives autoritaires qui ont marqué le règne de Macky Sall. Pendant des années, ce pouvoir s’est illustré par des pratiques répressives : emprisonnements arbitraires, assassinats politiques, violences policières et instrumentalisation de la justice. L’administration, réduite à un simple instrument d’exécution des volontés du régime, fonctionnait sous l’emprise totale du président. Plus récemment, des scandales financiers ont éclaté, révélant des détournements massifs, dont un transfert de 125 milliards vers des proches du pouvoir.

Dans ce contexte, la rupture portée par l’opposition n’était pas seulement un axe de communication, mais une nécessité stratégique pour jeter les bases d’une gouvernance plus démocratique et transparente. Cependant, après 11 mois d’exercice du pouvoir, le constat est amer. La réalité du gouffre économique et financier hérité, l’ampleur des détournements de fonds publics, ainsi que l’accaparement systématique des ressources du pays par une clientèle politique, imposent une reddition des comptes.

Or, cette volonté de justice se heurte à des obstacles majeurs. La prétendue indépendance de la justice, pourtant mise en avant par le nouveau pouvoir, semble être un frein plutôt qu’un levier de changement. L’exemple du scandale des 94 milliards est révélateur : alors qu’Amadou Ba est cité comme impliqué, la justice traîne les pieds pour lever son immunité parlementaire. L’État, se retranchant derrière la séparation des pouvoirs, semble spectateur d’un système qui résiste à toute réforme en profondeur. À ce rythme, l’ambition de rendre justice et de mettre fin à l’impunité risque de rester un vœu pieux.

Le même constat s’applique à d’autres domaines. L’attitude laxiste face aux attaques et insultes proférées contre le Premier ministre et le Président interroge : comment expliquer que ceux qui appellent à la haine et à la division du pays s’en sortent avec des peines symboliques de quelques jours ? De même, la révélation du maquillage des comptes publics par le Premier ministre n’a toujours pas été suivie d’actions concrètes de la Cour des comptes, qui semble étrangement silencieuse. Un autre épisode révélateur de cette gestion hésitante est la tentative du ministre de l’Information de rétablir l’ordre dans le secteur de la presse. Après avoir publié une liste des médias en infraction, dont certains étaient notoirement proches de l’ancien régime, les autorités ont finalement fait marche arrière, allant jusqu’à réhabiliter ces mêmes médias et à sanctionner d’autres, pourtant favorables au pouvoir. Cette posture donne l’impression d’un gouvernement plus soucieux de ménager ses anciens bourreaux que d’affirmer son autorité.

En fin de compte, cette rupture tant promise risque de devenir le talon d’Achille du nouveau pouvoir. Gouverner, ce n’est pas chercher à plaire à ceux qui hier encore persécutaient, emprisonnaient et divisaient le pays sur des bases ethniques et clientélistes. C’est faire preuve de fermeté et d’audace pour rétablir l’ordre, rendre justice et engager les réformes nécessaires. Il est urgent que le pouvoir actuel se ressaisisse, faute de quoi il court à un échec cuisant, qui pourrait anéantir toutes les espérances placées en lui.

El Hadji Diagne

* Ce texte que nous avons trouvé intéressant sur la page Facebook de Yoor-Yoor Bi mérite d’être publié dans le journal éponyme. 

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2 mois il y a

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