Actualité Opinions Politique

Le binôme républicain face au vacarme des vaincus

La parole présidentielle est un acte de souveraineté. Elle ne relève ni de l’improvisation ni de la rhétorique gratuite. Elle engage la République, structure l’imaginaire collectif et oriente les priorités nationales. Elle marque, à chaque prise de parole, une hiérarchisation du réel, une vision, un cap. C’est dans cette posture que s’est inscrit le président Bassirou Diomaye Faye lors de son second grand entretien avec la presse nationale. Il n’a pas cherché à plaire, encore moins à séduire. Il a parlé en chef d’État, pleinement conscient de l’ampleur de la tâche, du poids d’un héritage lourdement compromis, et de l’exigence éthique que suppose une transformation systémique de l’appareil d’État.

Ce ton mesuré, posé, assumé, a pourtant provoqué une déflagration – non pas au sein de l’opinion publique, largement réceptive à cette sobriété politique qui rompt avec les excès de l’ère précédente – mais au sein d’un cercle bien identifié : celui que l’on pourrait appeler, sans exagération, les rescapés de l’ancien ordre.

À peine les propos présidentiels s’étaient-ils inscrits dans l’espace médiatique qu’une cohorte d’anciens dignitaires s’est livrée, dans un réflexe pavlovien autant que pathétique, à une surenchère verbale nourrie d’arrogance, de désinvolture et d’un irrespect institutionnel inédit. Ces attaques ne relèvent ni de la critique constructive, ni de la dialectique démocratique. Elles procèdent d’une entreprise plus pernicieuse : délégitimer, par le sarcasme et l’outrage, ce qu’ils ne peuvent plus combattre par les urnes, ni contenir par l’influence.

Mais à travers leur ire, ce n’est pas tant Bassirou Diomaye Faye qui est visé. Ce que ces voix attaquent avec véhémence, c’est la forme inédite du pouvoir qu’il incarne avec Ousmane Sonko. Car c’est là que réside l’élément de rupture, l’inconnu politique qui effraie l’ancien régime : une articulation totalement nouvelle entre la magistrature suprême et une primature dotée d’une densité politique propre, pensée non comme un contre-pouvoir, mais comme un co-pouvoir assumé.

Le couple Diomaye–Sonko n’est pas le fruit d’un compromis circonstanciel. C’est une construction politique profondément pensée, théorisée, revendiquée. Elle repose sur une complémentarité fonctionnelle et symbolique d’une rare cohérence dans les régimes semi-présidentiels africains. À Diomaye Faye, la légitimité institutionnelle, la hauteur républicaine, la rigueur de l’État. À Ousmane Sonko, la densité idéologique, la force d’impulsion stratégique, la proximité historique avec les masses citoyennes. Ensemble, ils opèrent une reconfiguration profonde du pouvoir exécutif sénégalais, substituant à la figure du “chef unique” une collégialité maîtrisée, structurée, rationnelle, et résolument nationale.

Ce modèle heurte les fondements mêmes de l’ancien régime, lequel prospérait sur l’hyperpersonnalisation du pouvoir, la centralisation clientéliste, et la neutralisation des contre-pouvoirs. Il n’est donc pas surprenant que les figures du passé politique – désormais déchues mais encore bruyantes – réagissent par l’invective. Ils ne comprennent pas ce pouvoir à deux têtes, parce qu’ils n’ont jamais appris à gouverner autrement que par l’isolement du monarque et le silence des subalternes.

La violence de leur rhétorique est à la mesure de leur impuissance analytique.

Qu’un ancien ministre, comptable d’une décennie d’affaissement moral et d’aveuglement stratégique, ose affirmer que « le président s’agite en surface mais reste immobile au fond » relève moins de l’analyse politique que d’un réflexe de défense désespéré. Car le peuple sénégalais, loin d’être dupe, distingue parfaitement l’agitation stérile d’hier – celle des inaugurations spectaculaires, des chiffres en trompe-l’œil, des institutions vidées de leur sens – de la lenteur nécessaire et méthodique du changement de paradigme que le régime actuel met en œuvre.

Le gouvernement de Diomaye–Sonko ne prétend pas réformer le Sénégal en douze mois. Il ne cède pas à la tentation populiste de la performance immédiate. Il choisit la profondeur plutôt que la vitesse, la méthode plutôt que le bruit, l’intention plutôt que l’improvisation. Là où l’ancien régime gouvernait au gré des convenances, ce tandem gouverne selon une logique de cohérence structurelle, de reconstruction étatique, de restauration éthique.

Il faut le dire avec netteté : le pouvoir qui s’exerce aujourd’hui n’est pas faible. Il est sobre. Il est contenu. Il est discipliné. Et cette sobriété dérange. Elle irrite ceux qui ont longtemps confondu puissance avec arrogance, autorité avec autoritarisme, prestige avec prédation.

La République n’a que faire des sarcasmes amers des anciens princes déchus. Elle avance. Elle se redresse politiquement. Et elle le fait, non plus dans la voix unique d’un homme, mais dans la polyphonie maîtrisée d’un binôme historique, enraciné dans la légitimité populaire.

Ce que Diomaye Faye et Ousmane Sonko incarnent aujourd’hui, c’est une rupture méthodique avec le despotisme bureaucratique, une restauration du sens de l’État, une réhabilitation de la parole présidentielle comme parole de projet, non de propagande. Et cela, ni les postures de mépris, ni les insultes masquées sous le vernis de la critique, ni les gesticulations médiatiques ne pourront l’arrêter.

L’Histoire retiendra que face au vacarme des vaincus, le Sénégal a choisi la gravité, la rigueur et la dignité de la réforme.

HADY TRAORE

Expert Conseils

Gestion Stratégique et Politique Publique

Canada

Articles similaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires