Lorsque David Diop évoquait l’Afrique, son Afrique, c’était sans doute animé par une révolte mêlée de compassion. Son poème, chargé de cette colère contenue, passionné et empreint d’affection, a profondément résonné en nous, éveillant notre sensibilité africaine et secouant bien des consciences. Un sentiment similaire de révolte et cette même passion nous ont incité à rédiger ces quelques lignes en hommage à notre ville, Dakar, aujourd’hui la capitale de notre cher pays, le Sénégal.
Dakar, toi qui étais autrefois la Merveilleuse, la Fière, convoitée de tous, éveillant la curiosité et pleine d’intérêts ; toi, souriante dans les bras bienveillants de l’Océan Atlantique, qui veille scrupuleusement sur toi, qu’es-tu donc devenue ? Que t’avons-nous fait ? qu’avons-nous fait de toi ? Chère ville, éventrée, souillée, spoliée, comment avons-nous pu rester passifs et indifférents face à ta dégradation, témoins de ton déclin et complices de ta perte de beauté, laissant place à une laideur qui ne te sied guère ? Comment avons-nous tous pu ?
Tu es devenue un gigantesque marché ambulant, où chacun vend tout et n’importe quoi. Tu assistes, impuissante, à la dégradation et au viol de tes rues, de tes boulevards et de tes avenues ; à chaque coin de rue, Sénégalais et Étrangers jettent, avec une violente anarchie, des étals de fortune : pneus, ferraille, nourriture sans aucune hygiène, meubles, vaisselle, friperie, pièces détachées d’automobiles et chaussures à profusion !
Tes beaux jardins, autrefois fleuris tout au long de l’année, ont disparu. Tes routes et allées sont désormais recouvertes d’une épaisse couche de sable et de gravats, même dans les quartiers les plus huppés. Toi, si pudique autrefois, si coquette il y a juste quelques décennies, tu souffres en silence, tout comme nous qui t’avons connue et aimée. Te voilà transformée en latrines à ciel ouvert. Tu es envahie par des odeurs insupportables et des eaux usées et souillées un peu partout. Dans tes rues, on se lave, on fait ses ablutions, on cuisine, on nettoie voitures et camions. Dans des salons de beauté improvisés on pratique la manucure, la pédicure et la coiffure. Tes jadis très belles rues ont eu beau résister, mais elles ont finalement dû céder et succomber sous le poids insupportable et insoutenable de tant d’agressions.
Les carcasses de voitures et de camions, ainsi que les déchets importés d’Occident dans des conteneurs soigneusement préparés par les fils de ce pays, t’ont envahi jusqu’à l’étouffement. Nous avons fait de toi un dépotoir, une immense décharge.
Quelle tristesse de te voir ainsi résignée, sans voix pour crier à tous d’arrêter ta destruction, sans véritable défenseur pour plaider ta cause.
Où sont donc passés tes marchés animés, chacun jaloux de sa spécialité : poissons, viandes, légumes, tissus ? Tilène, Sandaga, Castors, Kermel, HLM, Soumbédioune ? La saleté et les déchets y ont pris le dessus, rendant les ménagères désespérées, hantées par l’idée d’aller au marché, autrefois tâche si agréable. Ce moment de convivialité et d’échanges est devenu un véritable calvaire, un parcours du combattant à travers des tas de débris et de nourriture en décomposition qui jonchent le sol humide et glissant. Dire que c’est de là que proviennent les denrées destinées à nos repas.
Ta splendide Corniche, tes magnifiques baies, mal exploitées, salies et éventrées, nous regardent chaque jour, les yeux remplis de mille larmes, implorant en silence que nous luttions pour les réhabiliter et les préserver ; quel dommage que nous restions tous sourds à ces appels !
Chère capitale, tu continues de nous offrir des couchers de soleil splendides, ta fraîcheur, ta joie de vivre, tandis que nous en profitons avec ingratitude, incapables de te protéger. Dakar, tu es encore le témoin et le complice discret de tant de confidences amoureuses ; tu assistes, souriante, aux rires des promeneurs du soir qu’ils soient résidents ou de passage et encourage chaque jour les efforts des sportifs de l’après-midi.
C’est avec un cœur plein d’espoir que nous croyons que citoyens et institutions pourront enfin agir concrètement pour cette merveilleuse ville et, par extension, pour toutes les villes de notre pays. Certes, nous aurons bientôt notre Diamniadio avec ses projets ambitieux, la ville nouvelle, mais la beauté naturelle de Dakar et son climat, gracieusement offerts par le Ciel, ne se retrouvent nulle part ailleurs au Sénégal. C’est un patrimoine précieux, un don que nous avons le devoir de préserver.
Ministre de l’Environnement, du Cadre de Vie, de l’Artisanat, du Tourisme, Mairies et citoyens, amis et hôtes étrangers, nous devrions tous être interpellés par l’urgence de restaurer la beauté et la splendeur de notre chère Dakar, afin qu’elle puisse retrouver la fierté d’accueillir, comme autrefois, ses nombreux visiteurs.
Dakar, ta Téranga naturelle et exemplaire avait fini de faire de toi l’un des plus beaux endroits au monde, une ville où il faisait tellement bon vivre.
YGSSD
DIASPORA
TRÉVISO
Merci pour ce cri du cœur !
Natif du Plateau, nous ne reconnaissons plus notre belle capitale.
Il serait temps d’amorcer ce virage tant attendu afin de lui redonner son âme d’origine.
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L’espoir est peut être permis.
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