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L’origine et les méfaits de la laïcité de l’Etat au Sénégal, pays musulman

Président Senghor a posé des actes dommageables. Dans les années 60, c’est-à-dire les toutes premières années de notre indépendance, le Pape en fonction était Jean XXIII. Lors de la visite de Senghor au Vatican, on lui aurait prêté de faire une confidence au pape : « Je ne pourrai faire des Sénégalais des chrétiens, mais j’en ferai de mauvais pratiquants musulmans ». Cette allégation a fait le tour du Sénégal et perdure jusqu’à présent. Certains l’avaient cru, d’autres non. Quoiqu’il en soit, le magistrat Ousmane Camara, qui fut ministre de l’Enseignement supérieur sous Senghor et procureur lors du procès de 1962 entre le Président Senghor et Mamadou Dia, a publié il y a quelques années un ouvrage dans lequel il a disculpé le Président Senghor. En un mot pour prendre sa défense contre cette allégation.

Depuis notre indépendance en 1960, jusqu’à aujourd’hui en 2024, comment comprendre qu’une minorité de 5% de chrétiens puisse dominer la vie publique officielle ? Même la subvention faite aux écoles privées chrétiennes est plus conséquente que celle accordée aux écoles coraniques (daaras) ou écoles franco-arabes. Au tribunal, le code civil pénal laïc est tiré du droit laïc français, qui n’a rien à voir avec le code civil pénal islamique.

Quand on vote une loi, on doit tenir compte de la croyance des populations. Ce n’est pas pour rien que les loges maçonniques au Sénégal et un peu partout dans le monde disent que « le credo de la franc-maçonnerie réside dans la laïcité de l’Etat ». C’est pourquoi en 1959 à Saint Louis, lors de la rédaction de la première constitution au Sénégal, l’assemblée constituante était composée de 47 membres et les plus influents étaient des chrétiens comme André Guillabert, Théophile James, Gabriel d’Arboussier, Léon Boissier-Palun, Léopold Sédar Senghor etc. Ces derniers remparts de la civilisation française et dignes représentants de la France, s’étaient ligués pour imposer le concept de la laïcité au Sénégal. Et tout le monde se souvient bien que Senghor, tête de file de cette équipe prônait l’autonomie dans la communauté française en lieu et place de l’indépendance. C’est pourquoi le Sénégal avait voté en 1958 au référendum non, contrairement à la Guinée de Sékou Touré qui avait voté oui pour l’indépendance.

Et lors de l’assemblée constituante à Saint Louis, ce coup de force opéré par Senghor et sa clique n’avait pas plu au député Ibrahima Seydou Ndao de Kaolack qui avait boudé la réunion. Nul doute que c’est la France qui nous dicte tout et maîtrise notre économie. Donc il y a de quoi se demander si nous sommes vraiment indépendants. Pour mettre fin à cette prise d’otage politique, économique et culturel, le Burkina, le Mali et le Niger se sont révoltés pour s’affranchir de l’influence et de la domination française.

Il s’y ajoute le code laïc de la famille que Senghor a fait voter en catimini à l’assemblée nationale en 1972 par son parti, parti unique et parti-Etat. Pourtant, les chefs religieux s’y étaient opposés, comme Abdou Aziz Sy Dabakh, Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, El Hadj Ibrahima Niass et El Hadj Seydou Nourou Tall. Hélas, ce code laïc est toujours en vigueur. Les féministes et les francs-maçons pensent que ce code leur a donné peu d’acquis. Maintenant, ils remettent en cause l’autorité paternelle et revendiquent le statut de chef de famille au détriment de l’homme et s’activent pour que l’assemblée nationale vote une loi pour légaliser l’avortement médicalisé.

Pour confirmer ce qui précède, le patron des francs-maçons au Sénégal a fait une interview au Soleil, numéro 6.859 du 14 mars 1993 pour avouer que plusieurs lois du Sénégal sont des idées cogitées par les francs-maçons et transmises au gouvernement qui, à son tour, les transmet comme projets de loi à l’assemblée nationale où les francs-maçons ont beaucoup de membres. Et c’est ainsi que beaucoup de lois au Sénégal sont votées. C’est le cas du code laïc de la famille. Dans nos cours et tribunaux, le code civil pénal et laïc est tiré du droit laïc français qui n’a rien à voir avec le code civil et pénal islamique. D’ailleurs, la constitution du Sénégal écrite en 1959 à Saint Louis par l’assemblée constituante, l’ancêtre de cette assemblée nationale. C’est celle qui est toujours en cours. Elle est une pâle copie de la constitution française.

Par exemple un mariage scellé ou dissout selon les règles de l’islam n’est pas reconnu par la loi laïque sénégalaise tant que le tribunal laïc du Sénégal ne l’a pas constaté. Les jeux de hasard, toutes formes comprises, loterie nationale et celle privée, sont autorisées, la peine capitale en cas de meurtre est abolie etc. En raison de tout cela, reconnaissons que nous ne sommes pas encore de vrais musulmans, car Dieu a dit dans la sourate 5, versets 44, 45 et 47 que quiconque ne juge pas d’après ce que Dieu a révélé, eh bien, voilà les mécréants, les injustes, les pervers.

Depuis 1959, les chrétiens ont un pouvoir puissant et élargi au Sénégal. Ils l’ont acquis grâce à Léopold Sédar Senghor, Gabriel D’Arboussier, André Guillabert, Léon Boissier-Palun, Théophile James etc. Ces fidèles gardiens du temple de la culture et de la civilisation française au Sénégal, c’est pourquoi ils nous ont imposé la civilisation française et la laïcité de l’Etat.

Après l’installation des régimes du président Abdoulaye Wade en 2001 et celui du président Macky Sall en 2012, chacun d’eux avait organisé un référendum constitutionnel. C’est pourquoi nous espérons que les nouvelles autorités gouvernementales du Pastef en feront de même. Dans le cadre de la politique de rupture, un référendum constitutionnel s’impose, surtout dans le sillage du programme Jüb, Jübel, Jübbeunti. La majorité musulmane sénégalaise a le droit d’espérer que les nouvelles autorités étatiques vont opérer un Jübbeunti constitutionnel en supprimant la laïcité de l’Etat qui est proclamée dès le premier article de la constitution « le Sénégal est laïc et démocratique » alors que le Sénégal est un pays profondément croyant musulman et chrétien. Parce que simplement laïcité de l’Etat ne signifie pas équidistance entre l’Etat et les religions, elle signifie organiser, gérer les affaires de l’Etat sans Dieu.

Au dernier recensement national, les musulmans sont majoritaires à 95% des Sénégalais. En démocratie, c’est la loi du plus grand nombre qui gouverne à partir de ses orientations tout en respectant et protégeant les droits et croyances des minorités religieuses. C’est ce que la démocratie de type islamique appelle ahlou zimmah (les gens protégés).

En conclusion, on se souvient, en 2001, quand Abdoulaye Wade avait proposé une révision constitutionnelle pour ôter de la constitution la laïcité de l’Etat. Les musulmans étaient euphoriques à cette annonce. Mais le chef de l’Église catholique sénégalaise avait fait une délégation pour rendre visite à Abdoulaye Wade et l’implorer de changer d’avis, sous le prétexte qu’ils préfèrent le concept de la laïcité de l’État comme système et concept de vie.

Puisque les chefs religieux musulmans n’avaient pas réagi, Wade a finalement reculé et définitivement renoncé au projet de suppression de la laïcité au Sénégal. Et cela fait l’affaire des chrétiens car la laïcité les rend plus forts. Nous en voulons pour preuve lors de l’interdiction du port du voile islamique aux filles musulmanes dans les écoles privées catholiques et la lettre que l’abbé Latyr Ndiaye avait publiée en faisant des attaques frontales contre le premier ministre, Ousmane Sonko, et des injures graves proférées contre le prophète de l’islam (Pls) en le traitant de fuyard. Pire, c’est ici au Sénégal, pays majoritairement musulmans, que le président Senghor avait préféré installer l’organisation de la croix rouge à la place du croissant rouge comme dans les autres pays musulmans du monde.  Même en Israël, l’Etat juif a voulu se conformer à sa religion en installant la croix rouge de David.

CHEIKH OUMAR TALL

Directeur de publication

Mensuel « le jour al Yawmou »

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