Les Sénégalais de bonne foi ont attendu naturellement impatiemment la publication du Rapport définitif de la Cour des Comptes. Tous voulaient se faire une idée précise au sujet de l’état réel des finances publiques entre 2019 et 2024 et des héritages de la gouvernance économique du pouvoir de l’ancien président de la République, Macky Sall. Pendant des semaines, les magistrats et les experts de la Cour ont tenu en haleine des pans entiers de l’opinion publique. Certains acteurs trop pressés et mal intentionnés tenteront malicieusement d’exploiter à tort cette impatience légitime citoyenne par la désinformation en laissant croire à des divergences imaginaires entre la Cour des Comptes et le gouvernement. Il n’en a été assument rien. Le gouvernement et la Cour ont pleinement rempli leurs missions et leurs fonctions dans le respect mutuel réciproque des deux institutions.
La polémique au sujet des finances publiques a été nourrie et alimentée par l’annonce certaine d’une ruine par le Premier ministre, Ousmane Sonko et la publication du livre blanc présenté à la presse par des responsables politiques de l’APR à la demande de son auteur en exil au Maroc. La controverse laissait planer le doute et des incertitudes dans les esprits. Qui disait vrai ? Qui cherchait à masquer aux Sénégalais les faits et les réalités ?
L’enjeu de la publication du Rapport de la Cour des Comptes était donc de taille tant pour le pouvoir, que pour l’APR et Bennoo Bokk Yaakaar, d’un côté, et de l’autre, pour les citoyens à l’écoute de la Cour des Comptes. Durant cette attente de la délivrance du vrai du faux, tous les acteurs du jeu ont accepté a priori l’arbitrage de la Cour en raison de ses compétences en la matière, son statut et son expérience avérée depuis des décennies d’exercice de son pouvoir de contrôle d’exécution des budgets publics et ses recommandations. Le Rapport publié devrait clore la polémique en permettant aux acteurs, adversaires politiques, de la société civile, des médias et des citoyens d’avoir une réponse claire, nette, précise et indépendante de l’actuel pouvoir et de l’ancienne gouvernance. C’est du moins, ce que l’on pouvait attendre, singulièrement, des principaux protagonistes acceptant le verdict rendu par la Cour. Contre toute attente, la publication du Rapport de la Cour des Comptes a provoqué un véritable séisme politique et un drame psychologique. C’est un choc électrique dans les rangs de la République qui provoque un émoi retentissant sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger. Les sénégalais n’en reviennent pas simplement. C’est le pire des scénarii de gouvernance des finances publiques du Sénégal indépendant. Le pays de la Téranga a certes connu des périodes de mauvaise gestion des deniers publics sous les règnes des présidents de la République, Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Tout laisse penser que l’héritage du président de la République de la période étudiée par la Cour des Comptes restera dans les annales de la mémoire de l’administration des finances publiques. Les équilibres macro-économiques, les mécanismes de gestion de la dépense publique et des contrôles administratifs et judiciaires ont été grippés.
L’Etat financeur déréglé n’a pas fonctionné suivant ses propres règles, son éthique et sa mission. Évidemment, la réaction de l’APR après la publication du Rapport de la Cour des Comptes devrait être un des enjeux politiques du débat démocratique. Paradoxalement, les anciens gouvernants ont choisi d’exprimer des états d’âme psycho dramatiques à la place d’un débat serein avec des arguments politiques cohérents et pertinents à la hauteur du désastre financier rendu par le rapport de la Cour des Comptes. L’émotionnel collectif et individuel a pris le dessus sur l’argumentaire technique, scientifique et le sens des responsabilités de l’ancienne gouvernance. Entre les lignes des propos de panique de nombreux responsables de l’ancien régime on sent l’amertume et le drame psycho-social d’un parti blessé dans son amour propre. Le Rapport de la Cour des Comptes n’est pas signé quand on sait qu’il a fait l’objet d’examen par un Conseil des ministres présidé en personne par le chef de l’Etat !
Qui croirait que la Cour des Comptes a publié un rapport si important sans sa signature ? Cet exercice de désarroi, de perte de sang-froid relève d’une volonté délibérée de discréditer l’Institution, son autorité et son prestige légendaire. D’autres soutiennent que les magistrats de la Cour et les experts ont subi la pression gouvernementale et que le rapport est simplement l’expression d’une commande politique. De tels arguments dénués de tout fondement et de bon sens se conjuguent à des critiques contre les fonctionnaires de la Cour et du Ministre des Finances et du Budget qui seraient des complices du pouvoir actuel. Dans ce sillage, certains dénoncent des fonctionnaires de la Cour des Comptes qui avaient fait des rapports des comptes différents sous le règne du pouvoir précédent. C’est peut-être trop demander à l’APR et au Benno réduits à leur plus simple expression. Depuis un an, les responsables de l’ancien régime peinent à entretenir un débat sincère sur les questions politiques et de gouvernance. Le Chef a disparu. Après avoir perdu la présidentielle et les législatives, les Républicains et leurs alliés sont dans une débandade politique. Ils n’opposent aucun argument économique, financier sérieux aux résultats accablants de la Cour des Comptes en ce qui concerne la dette, l’endettement, le déficit budgétaire et les dépenses hors la loi et de tout cadre réglementaire. Ils s’accrochent à la désinformation systématique et à des attaques inacceptables contre les fonctionnaires de la Cour des Comptes, le Parquet judiciaire financier, la Haute Cour de Justice et le ministère de la Justice.
Dire que pendant douze ans, leur cheval de bataille aura été l’invite au respect des institutions et de la justice indépendante. Les masques tombent. Le réveil politique et judiciaire de l’APR et de Bennoo risque d’être brutal. La justice fera son travail. Les Républicains savent évidemment ce qui attend tous les responsables coupables de mauvaise gestion. Ils seront contraints par la loi de répondre de leurs actes. Curieusement, les adversaires de la majorité patriotique tentent en vain d’exploiter les remous du front social et syndical se dessinant à l’horizon. Les Républicains déchanteront. Les Sénégalais ne sont point des demeurés ou des nostalgiques. Ils n’ignorent guère les conséquences et les impacts de la mauvaise gouvernance des finances publiques sur la situation sociale et économique que tente de gérer vaille que vaille le gouvernement courageux et audacieux du Premier ministre, Ousmane Sonko. La bataille de la vérité des chiffres est gagnée et actée par le Rapport de la Cour des Comptes. Le soutien de l’opinion contre la corruption et les corrompus ne souffre pas de doute. La véritable prochaine bataille est désormais la bataille du r
edressement des finances publiques et du développement pour un Sénégal juste, prospère et souverain.
MAMADOU SY ALBERT