Editorial

RAPPORT EXPLOSIF, DÉFENSE FRAGILE Pourquoi la réponse de Pape Malick Ndour ne tient pas la route

Depuis la publication du rapport explosif de la Cour des comptes, un vent de panique souffle dans les rangs de l’APR. Pris à leur propre jeu, les anciens dignitaires du régime de Macky Sall s’agitent, s’indignent et tentent maladroitement de détourner l’attention d’un constat implacable : la gestion des finances publiques entre 2019 et 2024 a été marquée par des pratiques douteuses, des dissimulations budgétaires et des choix financiers hasardeux dont les Sénégalais paient aujourd’hui le prix.

En première ligne de cette opération de diversion, Pape Malick Ndour, l’un des défenseurs les plus zélés de l’ancien régime, s’emploie à minimiser l’ampleur du scandale. Son argumentaire repose sur des artifices rhétoriques éculés, des demi-vérités et des tentatives de manipulation de l’opinion. Mais face aux révélations froides et méthodiques de la Cour des comptes, la stratégie du déni ne tient pas la route. Pape Malick Ndour clame haut et fort que le principe du contradictoire n’a pas été respecté, que les anciens ministres des finances n’ont pas été consultés avant la publication du rapport. C’est une manœuvre grossière pour discréditer une institution dont l’indépendance et la rigueur méthodologique sont reconnues. En réalité, chaque audit de la Cour des comptes suit un protocole strict, conforme aux standards internationaux. Les gestionnaires mis en cause ont toujours la possibilité de fournir des explications avant la finalisation du rapport. Si l’ancien régime n’a pas pris la peine de répondre ou a préféré l’omerta, c’est bien qu’il n’avait pas d’arguments crédibles pour justifier certaines pratiques.

D’ailleurs, si Pape Malick Ndour et ses camarades de l’APR avaient de véritables éléments de réponse à opposer aux conclusions de la Cour des comptes, pourquoi ne les produisent-ils pas aujourd’hui ? Pourquoi ne publient-ils pas les documents censés prouver la régularité des opérations financières mises en cause ? La vérité est simple : on ne défend pas l’indéfendable.

Autre tour de passe-passe, l’ancien ministre tente de semer le doute en affirmant que le rapport ne mentionne explicitement aucun détournement ni aucune recommandation de poursuites judiciaires. C’est là une manipulation grossière des faits. La Cour des comptes n’a pas pour mission de qualifier pénalement les irrégularités constatées, mais de les documenter et de les transmettre aux autorités compétentes. Ce sont ensuite les instances judiciaires qui doivent établir la nature exacte des infractions et engager des poursuites si nécessaire.

Mais ce que Pape Malick Ndour ne dit pas, c’est que le rapport révèle des anomalies comptables massives, des écarts budgétaires inexplicables, des contrats publics passés en violation des règles de transparence et des prêts non traçables dont l’utilisation reste mystérieuse. Dans un État de droit, ces faits suffisent à justifier des enquêtes approfondies. Se cacher derrière l’absence du mot « détournement » pour nier l’évidence relève d’une mauvaise foi stupéfiante.

Le rapport de la Cour des comptes ne se limite pas à pointer des irrégularités mineures, il met en lumière un système de gestion basé sur la dissimulation et la manipulation des chiffres. Par exemple, la sous-évaluation volontaire du déficit budgétaire a permis à l’ancien régime de donner l’illusion d’une gestion saine alors que la réalité était tout autre. En décalant artificiellement certaines dettes d’une année à l’autre, en omettant des engagements financiers majeurs dans les prévisions budgétaires, le gouvernement précédent a créé un écran de fumée destiné à masquer l’état réel des finances publiques.

Les prêts non traçables constituent un autre élément accablant. Pape Malick Ndour tente de justifier ces écarts en expliquant qu’il s’agit simplement d’un décalage comptable dans la comptabilisation des emprunts-projets. Mais là encore, l’argument ne tient pas la route. En finance publique, toute dette contractée doit être comptabilisée et suivie avec rigueur. Lorsqu’un gouvernement emprunte de l’argent au nom du peuple, chaque centime doit être traçable. Or, la Cour des comptes a démontré que des milliards de francs CFA ont été engagés sans que leur affectation ne puisse être clairement identifiée.

Dans un pays où chaque année, les citoyens subissent la pression fiscale et l’endettement croissant de l’État, ces pratiques relèvent d’une faute de gestion majeure. Parmi les révélations les plus troublantes du rapport, la cession du Building administratif constitue un cas emblématique de gestion nébuleuse. Ce bâtiment, siège du gouvernement sénégalais et patrimoine de l’État, ne peut en aucun cas être assimilé à un actif ordinaire. Pourtant, il a été cédé dans des conditions troubles, sans transparence ni justification claire.

Cette transaction soulève plusieurs interrogations : qui a validé cette cession ? À quel prix et pour quel motif ? Qui sont les bénéficiaires réels de cette opération ? Face à ces questions, les dignitaires de l’ancien régime opposent un silence assourdissant. Et pour cause : ce dossier sent le scandale à plein nez.

Les gesticulations de Pape Malick Ndour ne suffiront pas à éteindre l’incendie. Le rapport de la Cour des comptes a jeté une lumière crue sur les errements du passé, et le peuple sénégalais exige désormais des actes. L’État doit engager toutes les démarches nécessaires pour récupérer son patrimoine immobilier et tout bien public cédé de manière suspecte. La justice doit se saisir du dossier et déterminer les responsabilités. Il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières ni d’un règlement de comptes politique, mais d’une exigence démocratique.

Le Sénégal ne peut plus se permettre de laisser impunis des faits aussi graves, qui ont fragilisé les finances du pays et entamé la confiance des citoyens dans leurs institutions. Face à une telle avalanche de preuves, il ne reste plus qu’une seule question : jusqu’où ira la justice pour que, cette fois, la vérité triomphe du mensonge ?

 

HADY TRAORÉ

Consultant-Gestion Stratégique et

Politique Publique-Canada

Articles similaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires