«Nous partageons beaucoup de valeurs avec le Pastef»
Le Parti pour l’Action, la Convergence, le Travail, et l’Équité (Pacte)/Siggil sa Reew) est une nouvelle formation politique née des flancs de Taxawu Senegaal. Ses initiateurs sont d’ex-cadres de la plateforme dirigée par Khalifa Sall. Dans cet entretien, le président du Pacte, Made Codé Ndiaye revient sur les raisons de leurs démissions, les divergences entre Pastef et Taxawu Senegaal ainsi que leur soutien au parti Pastef pour les législatives anticipées du 17 novembre prochain.
Yoor-Yoor Bi : Vous avez lancé dimanche dernier le Parti pour l’action, la convergence, le travail, et l’équité (Pacte)/Siggil Sa Reew, une nouvelle formation qui vient s’ajouter dans le landerneau politique, qu’est-ce vous proposez aux Sénégalais en vous démarquant de Taxawu ?
Made Codé Ndiaye : Ce que nous proposons aux Sénégalais, c’est une démarche politique originale dans le sens où nous faisons une rupture par rapport aux schémas politiques classiques où tout tourne autour d’un leader et qui oriente et prend les décisions souvent à l’encontre même des principes et convictions pour lesquels le parti a été créé. Nous sommes un groupe de cadres qui ont travaillé ensemble pour mettre un projet de société même si les Sénégalais ne l’ont pas validé, mais nous avons une certaine expertise dans tous les domaines du développement économique et social du pays. Ce creuset d’intellectuels et d’experts, nous voulons l’utiliser au service du pays en faisant des contributions significatives aux gouvernants actuels et leur permettre de faire les choix les plus judicieux. Pour notre approche, nous croyons à deux choses qui constituent notre vision : c’est la synthèse et la restauration. Le premier point est en rapport avec tout ce que les anciens chefs d’Etat de Senghor à Diomaye ont eu à réaliser pour le pays. Senghor a bâti une nation, Diouf a consolidé un Etat, Wade a impulsé le développement des infrastructures, le Président Macky Sall l’a encore renforcé et le Président Diomaye Faye travaille pour une souveraineté économique. Pour le deuxième point qui est la restauration, elle concerne les valeurs traditionnelles et universelles que nous devons restaurer, parce que sans elles, quelles que soient les richesses, les ressources dont nous disposons sont dilapidées par les autorités à travers une mauvaise gestion sur fond de corruption et de détournement de deniers publics.
Vous étiez membre de la plateforme Taxawu Senegaal que vous avez quitté le 28 août dernier avec 25 autres cadres, qu’est-ce qui a motivé cette démission ?
Nous avons pris conscience des enjeux de l’heure par rapport au contexte politique où nous avons une nouvelle alternance incarnée par une génération d’hommes politiques qui a rompu avec la vieille classe que l’on connaissait jusque-là. Nous appartenons à cette génération, nous avons avec les amis de Pastef combattu le régime du Président Macky Sall pendant 12 ans et nous pouvons d’ailleurs dire que nous avons devancé le Pastef dans ce combat. Depuis l’avènement de l’alternance, nous sommes dans l’opposition et le Pastef est né en 2014. Nous considérons que la posture que Taxawu n’est pas de s’opposer au nouveau régime en place et de s’accointer avec Macky Sall et autres partis de Bennoo Book Yaakaar. Au contraire, nous devons aider cette nouvelle alternance à réussir.
Dans le Yewwi Askan Wi, nous avons prêché la parole de la rupture pour le changement. Une fois que l’alternance est acquise, pourquoi alors aller à contre-courant de la volonté populaire ? Nous avons pensé que cette démarche de Taxawu n’était pas cohérente. Nous ne pensions pas que Taxawu irait même jusqu’à cheminer avec le Président Macky Sall. Nous savions aussi qu’il y avait des négociations avec le Parti socialiste (Ps) et avec Amadou Ba. D’ailleurs l’avenir nous a donné raison. Nous avons vu les images à la maison du Parti socialiste avec Aminata Mbengue Ndiaye et Amadou Ba.
Khalifa Sall avait apporté des précisions pour ces images…
C’est clair pour nous qu’il n’était pas question de croiser les bras et d’être surpris à la dernière minute par une coalition avec l’ancien régime. C’est pour cela que nous avons pris nos responsabilités de démissionner et ensuite de créer un parti politique pour continuer notre engagement pour le Sénégal qui est basé sur des principes et des convictions. Nous voulons continuer sur ce chemin et pensons que c’est en appuyant le régime actuel que nous serions cohérents avec nous-même. Ce qui est sûr est que Khalifa Sall était en négociation sinon qu’est-ce qu’il est allé faire à la maison du Parti socialiste ? Entre négociation et la finalité de mettre en place une coalition, il y a gap. Khalifa Sall est allé rendre visite à Aminata Mbengue Ndiaye le lendemain de la présidentielle avec le maire Barthélémy Dias et le maire Jean Baptiste Diouf et le Parti socialiste a sanctionné cette visite par deux communiqués.
Est-ce qu’ils n’étaient pas dans une logique de démarches pour les retrouvailles de la famille socialiste ?
Qui peut le plus peut le moins, s’ils étaient dans une volonté de retourner au Parti socialiste, la logique voudrait au moins qu’ils soient dans une même coalition. Pour nous, tout rapprochement avec le Ps,qui est comptable du bilan de Macky Sall, était à écarter à plus forte raison un retour dans cette maison où il a été banni. Le Parti socialiste était le complice du Président Macky Sall qui l’a emprisonné pendant près de trois ans et qui l’a déchu de tous ses droits civiques et politiques.
Vous reprochez à Taxawu Sénégal sa proximité avec des démembrements de Bby en même temps vos ex-camarades vous accusent d’avoir gelé vos activités dans le parti depuis la proclamation des résultats de la présidentielle et d’œuvrer plutôt àtirer le parti vers le pouvoir. Qu’en est -il exactement ?
Ce n’est pas du tout cela. Ce qui s’est réellement passé, c’est qu’au lendemain de la présidentielle, j’ai pris ma responsabilité d’aller voir le Président Khalifa Sall, exactement le 1er avril, une semaine après l’élection. Je lui ai dit ce que je pensais de la situation actuelle et que pour moi, nous sommes beaucoup plus proches de l’actuel régime que de l’ancien, parce qu’aller dans l’opposition signifierait cheminer avec l’ancien régime qui est normalement la première force de l’opposition. Nous lui avons exprimé notre crainte et avons compris qu’il n’allait pas dans la direction de soutenir le régime actuel, nous avons malgré tout participé aux premières réunions. J’ai remarqué que certains camarades ont profité de notre position pour nous caricaturer et jeter l’anathème sur nous. Dès lors, nous avons pensé que cela ne servait plus à rien de continuer à aller dans des réunions où ni le directeur de campagne, ni le mandataire n’étaient présents alors qu’il s’agit d’une réunion d’évaluation. On ne peut pas comprendre que ceux qui ont joué les premiers rôles dans l’élection s’absentent à l’évaluation. Nous avons compris que la direction prise par le parti est totalement contraire à nos principes et nos valeurs. Ainsi, nous avons pris nos responsabilités, mûri notre décision et au moment opportun, nous avons pris la décision de partir.
Vous parlez de démarches cohérentes, mais on a tous noté des divergences entre Taxawu Senegaal et le Pastef à la veille de la présidentielle. Est-ce que se retrouver encore serait cohérent ?
Quand on avait ces divergences à l’époque, j’ai toujours dit que c’est de la petite querelle. Des querelles de positionnement, mais ce n’était pas la grande querelle comme celle qui nous avait réunis tous au sein de l’opposition et qui était de faire partir Macky Sall. On était tous engagés dans cette querelle-là. Nous, on avait une démarche différente de Pastef parce qu’on devait répondre au dialogue.Khalifa Sall était concerné par un point du momentqu’il n’avait pas recouvré ses droits civiques et politiques. Nous avons toujours pensé que dialoguer était la meilleure voie pour trouver des solutions aux problèmes des Sénégalais.
C’est-à-dire…
Certains responsables en ont profité pour jeter l’anathème sur le Pastef sur son leader pendant qu’il vivait des moments difficiles d’incarcération. En interne, on a toujours recommandé d’arrêter cette querelle, d’ailleurs, je pense que cela fait partie des raisons pour lesquelles on a eu ce mauvais résultat à la présidentielle. Au lieu de nous attaquer au régime de Macky Sall, chaque jour, on s’attaquait au Pastef. J’avais toujours dit dans notre plateforme que c’était contre-productif de s’attaquer au Pastef, quand on est opposant, on s’oppose au régime et non à un opposant. Les Sénégalais ont vu que le Pastef incarnait le changement et la rupture et ils lui ont accordé le maximum de suffrages pour gagner au premier tour. Nous pensions que c’était une démarche irréfléchie de certains responsables et cela a tué notre communication. On était dans une petite querelle qui ressemblait plus à une guerre entre deux personnes et pour moi, cela n’engageait pas vraiment deux partis politiques qui ont des idéologies et des arguments par rapport à des programmes.
Beaucoup ont alerté y compris moi. Certaines questions n’étaient pas tranchées et malheureusement cela fait partie des faiblesses de Taxawu. Certaines questions ne sont jamais tranchées et chacun fait,selon ce qu’il pense être juste et après cela crée une certaine cacophonie. Et cela fait partie des choses que l’on a payées.
Que pensez-vous de la gestion de Taxawu Senegaal ? Khalifa Sall n’est-il pas de plus en plus écarté au profit de Barthélémy Dias ?
C’est leur cuisine interne, comme je ne suis plus dans Taxawu. Moi, je pense que la plupart de ceux qui sont proches de Khalifa Sall, au vu des investitures, ont été complétement écartés ou mis dans des positions où ils n’ont aucune chance d’être députés. À la lecture de ces investitures, on peut penser qu’il y a un groupe qui prend la place et les autres qui sont laissés en rade. Je ne peux pas m’avancer autrement parce que c’est derrière moi et je pense que les partis gagneraient, pas seulement Taxawu Sénégal, à se renouveler à l’interne, à changer de méthodes et à se structurer. Et nous, aussi prenant les leçons de notre vécu dans Taxawu, nous éviterons de faire les mêmes erreurs dans notre nouveau parti. Dès que nous avons démissionné, nous avons créé notre parti, le 23 septembre. Nous l’avons structuré avant de faire son lancement le 13 octobre, donc en moins de deux mois, ce que Taxawu n’a pas fait pendant 8 ans d’existence.
Taxawu Senegaal se retrouve pour les législatives dans la coalition Sam Sa Kaddu alors que la plateforme était membre de Yewwi Askan Wi avec le Pastef. Comment jugez-vous ces deux partis qui collaboraient hier dans la même coalition et qui s’opposent aujourd’hui ?
Que deux partis ne se retrouvent plus dans un même camp, c’est possible. L’incohérence, c’est surtout d’aller en inter-coalition avec un régime que l’on a combattu pendant 12 ans. On ne peut pas, au mois de février, quand Macky Sall annonçait le report de la présidentielle, prendre position contre ce report et dire même que le Président Macky Sall a entaché durablement l’image du Sénégal, que c’est irrattrapable. Et six mois après se retrouver dans une alliance politique avec le même président Macky Sall pour avoir ensemble des députés. C’est vraiment le comble de l’incohérence. Chacun fait ses choix et selon ses motivations. Nous pensons que, dans notre démarche politique, nous devons toujours garder une certaine cohérence pour exprimer nos convictions et les expliquer à nos militants. Je pense que beaucoup de militants et responsables de Taxawu Senegaal ne comprennent pas cette inter-coalition.
Pourquoi avez-vous porté votre choix sur le Pastef pour ces législatives ?
Nous voulons être cohérents. On s’est battus pour l’alternance et pendant plus de temps que le Pastef d’ailleurs. Il est plus cohérent de faire en sorte que cette alternance puisse réussir, sinon il ne sert à rien de se battre. Quand on se bat pour quelque chose, il faut continuer pour sa réussite. Nous ne le faisons pas pour le Pastef, ni pour autre chose, mais nous le faisons pour être cohérents avec nous-même. Nous partageons beaucoup de valeurs avec le Pastef ; j’ai dit à notre lancement que le principal problème de nos gouvernants africains est celui de la gouvernance. Et le Pastef a pris cela en bandoulière depuis sa création et cela a donné aujourd’hui les résultats escomptés.
PROPOS RECUEILLIS PAR HABIBATOU TRAORÉ