Pourquoi le Premier ministre Ousmane Sonko ne vous écoutera pas ? Une vérité proverbiale tirée de la cosmogonie locale enseigne qu’il est de ces personnes qui, lorsqu’elles vous indiquent un chemin à prendre, il faudrait impérativement prendre le sens inverse si vous ne voulez pas vous tromper de destination. Robert Bourgi (suspendu du barreau de Paris parce que renvoyant selon ses pairs « une image vulgaire et cynique ») est de cette catégorie. Par le simple fait d’avoir prétendu le contraire en parlant d’« erreur » du haut du piédestal de cette condescendance néocoloniale, tare rédhibitoire, il montre à suffisance que le leader du Pastef a eu raison d’inviter Jean-Luc Mélenchon et d’avoir saisi cette occasion pour s’adresser sans filtre aux dirigeants français. Je disais récemment à des cadres africains, lors d’un cours dispensé au centre africain de management et de perfectionnement des cadres (CAMPC) dans un programme de formation en diplomatie, protocole et relations internationales, que les 4 heures de discussions avec Mélenchon et l’attitude franche et directe de Sonko rapportent aujourd’hui plus de dividendes diplomatiques en termes de respect et de considération, que les 60 ans d’immobilisme et de paresse intellectuelle nourris pas le complexe néocolonial.
La souillure laissée par le passage de Sarkozy dans l’antre du panafricaniste Cheikh Anta Diop a ainsi été « nettoyée au karcher ». L’évolution des relations internationales et notamment celles entre les pays francophones d’Afrique et leur ancienne colonie appelle une révolution paradigmatique pour décoloniser la pensée et opter radicalement et audacieusement pour une réinvention conceptuelle. Tant pis pour ceux qui s’accrochent encore aux vieux schémas tirés des manuels produits par les anciens « maîtres » et destinés à la consommation mécanique et a-critique des assujettis favoris. Si le premier ministre Ousmane Sonko devait écouter vos « conseils » dans ce domaine, il serait dans le parachronisme ou le paralogisme analytique. Bref, le cas échéant, il prendrait alors le contresens de l’histoire et ferait tout mal comme l’illustre le récent sort de ceux qui ont eu le malheur et la malchance de croire à vos « prophéties » ineptes, inadaptées, surannées et anachroniques. Au crépuscule d’une vie de près de 8 décennies chahutée par les pratiques malsaines qui combinent corruption, concussion, compromissions, trahisons, collusion d’intérêts, Robert Bourgi, vous devriez poursuivre cet examen de conscience que vous disiez vouloir faire après avoir publiquement avoué que c’est par votre bureau que transitaient des mallettes d’argent provenant de chefs d’États africains pour financer des partis politiques en France. « Même Le Pen en a reçu », disiez-vous alors, toute honte bue.
Ce dialogue avec son « moi » est une œuvre salutaire de salubrité publique qui vous interdirait alors de dicter à ces jeunes Sénégalais leur futur politique. Cette jeunesse, de toute évidence, devrait être l’antithèse de cette nébuleuse néo-patrimoniale qui vous a nourri et engraissé. Cette jeunesse mieux informée, indignée et révoltée par les détournements de ses richesses naturelles au profit de puissances étrangères avec la complicité agissante et criminelle de gens comme vous, cette jeunesse qui se sent trahie par ses vieux dirigeants, cette jeunesse-là ne vous écoutera pas ! C’est peine perdue ! S’il vous démange encore de trouver quelqu’un à qui parler en Afrique en dehors d’une certaine presse sans doute « vampirisée » par votre trafic d’influence, ce ne sera certainement pas avec les nouveaux et jeunes dirigeants sénégalais décomplexés, qui ont l’âge de vos petits-enfants, et qui sont élus surtout pour réaliser cette révolution tranquille qui commence par le déboulonnage des fondements de tout ce qui symbolise ce réseau néocolonial de criminels nommé « Françafrique ».
NDIAGA LOUM
Professeur titulaire, UQO
