Actualité

CHALOUPE BOUBACAR JOSEPH NDIAYE Un danger flottant

La Direction du Port « rassure »

Il y a peine 3 mois, dans un reportage de la RTS, on faisait croire que la nouvelle chaloupe,dénommée Boubacar Ndiaye en hommage à l’ancien conservateur de la Maison des Esclaves de Gorée, était toute neuve après 14 mois d’intense de travaux de réalisation. Selon Atlantic Actu, la chaloupe serait âgée d’au moins une quinzaine d’années. Désormais, la Direction du Port autonome de Dakar reconnait une exploitation précédente du navire sur les rives du Bosphore mais rassure les usagers et le public. Pour un ancien responsable de la liaison maritime Dakar-Gorée et des techniciens à la retraite, la chaloupe BJN « est bateau restaurant pour la navigation de loisirs » impropre à une navigation maritime entre l’île et la Port de Dakar. Mieux encore, ils ont apporté des preuves de la vétusté et de la dangerosité du navire.

Par ABLAYE DIALLO

Le Directeur de la Société du Port autonome de Dakar Mountaga Sy et ses équipes ont-ils fait preuve de négligence coupable lors de l’achat du navire Boubacar Joseph Ndiaye ? Ou bien ont-ils agi en connaissance de cause pour s’enrichir illégalementsur le dos du peuple sénégalais ? En tout cas, dans une note datée du mois de février 2024 dont l’objet était : « Non prise en compte des réserves sur la chaloupe BJN », adressé à l’Administrateur délégué, le chef de la Division technique et nautique écrivait « Je vous faisais part des manquements et non-conformités majeurs relevés lors de la visite technique de la Division technique et nautique à bord de la chaloupe Boubacar Joseph Ndiaye. Aucune action de correction n’ayant été relevée jusque-là, je marque toute l’opposition de la Division quant à la mise en service sur la ligne régulière de la chaloupe ». Cela n’a pas entrainé pourtant le blocage de la mise en service dudit bateau qui a été présenté il y a 3 mois comme tout neuf sorti des usines de la société Efane après 14 mois de dur labeur.

« La chaloupe présentée comme neuve est plus lente »

Mais pour un ancien responsable de la liaison Dakar-Gorée qui a « conduit Coumba Castel avec l’administrateur délégué qui était là à l’époque(1999) des côtes françaises au Port de Dakar », le navire Boubacar Joseph Ndiaye n’a pas été conçu pour la navigation maritime : « Au départ, on disait que c’était une chaloupe neuve de dernière génération. Alors que c’est une chaloupe achetée avec des moteurs d’occasion. J’ai les photos et l’expérience pour le prouver. En fait, c’est un restaurant flottant pour la navigation de loisirs ». Avant d’ajouter : « A l’arrivée de la chaloupe, vous pouvez voir sur les photos et vidéos que je vous montre, la porte d’entrée. C’est avant qu’on ne présente le bateau qu’on a appelé Dakarnave pour ouvrir deux nouvelles portes à bâbord et deux portes à tribord. Le temps que la chaloupe de Mountaga Sy prenne pour rallier Gorée par rapport à Coumba Castel qui a plus décennie d’existence, il y a au moins 10 minutes d’écart. La chaloupe présentée comme neuve est plus lente ». Notre interlocuteur qui a été plus de 10 ans responsable de la liaison Dakar-Gorée révèle un aspect technique fondamental sur tout navire de navigation digne de ce nom qu’on ne voit guère sur celui achetée par le DG Sy : «  Ce qui est plus grave encore, il y a ce qu’on appelle les marques franc-bord sur les bateaux de navigation maritime (les lignes de charge indiquant sur les côtés le tirant d’eau maximum auquel le navire peut être chargé dans différentes consistances d’eau au cours des diverses saisons de l’année) qu’on ne voit pas. Sur ce navire-là, il n’y a pas de marques de franc-bord. Et sans ces marques de franc-bord, sur quelle base, les équipes de Mountaga Sy peuvent dire que le bateau peut prendre 300 personnes ou plus ? »

Le Bureau Veritas et l’inspection maritime interpellés

Un autre ancien technicien à la retraite interpelle directement l’inspection générale maritime et le Bureau Veritas avant qu’un drame n’ait lieu : « Est-ce que le Bureau Veritas va leur accorder le permis de navigation ? L’inspection maritime est également interpellée. Parce que si elle autorise que cette chaloupe navigue dans nos eaux, le jour où il y aura une catastrophe, elle sera tenue responsable. Je suis très inquiet. Le Collectif des acteurs portuaires n’a rien à voir avec la gestion du Port. Ceux qui essaient de démentir la mauvaise gestion du Directeur général sont trop ridicules. Ceux qui disent qu’il faut mettre sur la table entre 9 et 15 milliards FCFA pour avoir une chaloupe toute neuve racontent des histoires ».Pour l’instant, la Direction du Port n’a pas donné les chiffres officiels de l’achat du navire Boubacar Joseph Ndiaye. Tout de même, l’ancien responsable de la liaison Dakar-Gorée assure qu’« avec 15 milliards FCFA, on peut avoir au moins 4 chaloupes toutes neuves. La chaloupe Coumba Castel a coûté 900 millions FCFA à l’époque. Le Beer a coûté 1,3 milliards FCFA. Et c’était trop d’ailleurs. Même avec 1,3 milliards FCFA, on peut toujours avoir une chaloupe neuve au lieu d’une chaloupe d’occasion. Quand achetait cette chaloupe Boubacar Joseph Ndiaye, même l’administrateur délégué de la liaison maritime Dakar-Gorée n’était pas au courant. Les techniciens et les membres de l’équipage de la liaison n’étaient pas au courant non plus ». Mieux, il soutient que « la Direction leur avait fait croire qu’on allait louer un catamaran en Espagne. Elle a envoyé une mission en Espagne. Les gens sont partis là-bas, ils n’ont pas vu l’ombre d’un catamaran à louer. Ils sont rentrés bredouille ». Un autre ancien de la Société du Port de Dakar rappelle que « la liaison maritime Dakar-Gorée est sous la responsabilité de la puissance publique c’est-à-dire à l’Etat du Sénégal et la commune de Dakar. Mais la gestion est confiée au Directeur général du Port. Ce n’est pas à l’ANAM de commander des navires pour le Port. C’est à l’Etat et à la commune de Gorée de le faire. Depuis le temps de Bara Sady, la liaison Dakar- Gorée est devenue une vache laitière pour les DG du Port. La vente de la chaloupe Augustin Ly, comment cela s’était passée ? Le prix des moteurs seulement était plus élevé que le montant de la vente ».

La Direction du Port avoue une première exploitation du bateau mais rassure les usagers

Le chargé de communication de la Direction du Port autonome de Dakar reconnait enfin que le navire en question a connu une exploitation sur les rives du Bosphore avant d’être acheté par le Sénégal. Ce bateau 220 tonnes, d’une longueur de 36 mètres, avec une capacité de plus de 350 places assises dont 86 sièges VIP, n’a donc rien d’un navire tout neuf sorti de l’usine après 14 mois de travaux mais simplement rénové comme l’avait dénoncé des hauts responsables sur les colonnes de votre quotidien Yoor-Yoor Bi la semaine précédente. « Il y a lieu de rejeter toutes ces allégations autour du navire. Il faut noter que tout s’est passé dans une procédure d’urgence avec les pannes récurrentes des navires Coumba Castel et Beer. Le Directeur général Mountaga Sy voulait acquérir de nouveaux bateaux pour faire face à la situation. Il faut avouer une chose, la nouvelle chaloupe Boubacar Joseph Ndiaye a connu une première exploitation en Istanbul, en Turquie », déclare le chargé de communication du Port Abdou Karim Diarra. Il fait entièrement confiance aux techniciens de l’Agence nationales des Affaires maritimes et son DG Achille Gueye : « Quand le DG Mountaga Sy a trouvé un accord pour acquérir la chaloupe, il l’a fait avec l’autorité maritime qui est l’ANAM, seule structure au Sénégal qui peut décerner un certificat de navigabilité. Le DG de l’ANAM Achille Gueye était en Turquie pour discuter avec les autorités de ce pays. Il a effectué une visite de conformité par rapport à la mission attendue de la chaloupe : transport de personnes et certains types de marchandises. A Dakar, l’ANAM a fait une visite de mise en service. Toute une équipe de l’ANAM est venue au Port a fait le travail d’inspection technique avec les autorités turques pour dire que la chaloupe peut aller en mer. Il n’y a pas de risques qu’un drame survienne avec la chaloupe Boubacar Joseph Ndiaye ». Quant au coût de la chaloupe, il se garde de donner un chiffre : « Je ne connais pas le prix. Je ne peux pas me prononcer sur cette question ». Certains agents en activité au Port dénoncent, sous le sceau de l’anonymat, une surfacturation. Le prix d’achat serait de 1,2 millions d’euros (786 millions FCFA) mais la Direction aurait déclaré 2 millions d’euros (1,3 milliards FCFA).

Articles similaires

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires