Chaque discipline à son monument et Mathieu Faye est probablement celui du basketball sénégalais. Champion d’Afrique à deux reprises, l’ancien meneur de jeu fut le premier joueur à remporter la distinction « Roi » au Sénégal.
Par ADAMA KONÉ
Basketteur un jour, basketteur pour toujours. C’est sans doute la philosophie de Mathieu Faye. Parce qu’au moment où ces lignes sont écrites, le monsieur est aux États Unis pour assister à la NBA All Star Game. Pourtant, il a quitté les parquets, il y a plusieurs années. Quitter ? C’est trop dire car il y a certains amours qu’on ne peut pas tourner le dos. Et celui de Mathieu pour le ballon orange a commencé très tôt.
Une icône de la JA
C’est au Collège Sacré-Cœur que l’enfant de Karak avait fait ses premiers pas dans le basket. L’ancien meneur de jeu affirme qu’il était influencé par des grands entraîneurs de son quartier à savoir Bonaventure Carvalho et Claude Constantino qui l’avaient « initié » au basketball. Il a soutenu également qu’il est devenu un joueur par simple jalousie.
« L’amour pour le basket m’est venu à l’école et surtout par jalousie. Dans notre quartier, on avait les pontes du basketball sénégalais : Bonaventure Carvalho, Claude Constantino, qui étaient de très grands entraîneurs. Au-delà de ça je dirai que c’est par simple jalousie. Imaginez au niveau de notre école (Sacré-Cœur), on faisait des matchs interclasses et je jouais dans l’équipe de football. Mais il se trouve que c’est l’équipe de basket qui a gagné et elle a eu des récompenses, des équipements. Je me suis dit pour avoir des équipements, il faut aller au basket », a confié Mathieu.
Champion d’Afrique en 1978 et 1980
Mais le Sicapois avait vraiment lancé son histoire à la Jeanne d’Arc de Dakar. Avec la Vieille dame, Mathieu Faye avait fréquenté toutes les catégories (début année 70 jusqu’en 80). Talentueux et précoce dans son jeu, le virtuose avait été doublement surclassé puisqu’il jouait avec les cadets, les juniors ainsi que les seniors de la JA dans le même week-end. Grâce à son talent, il fut le premier lauréat de la distinction « Roi » (meilleur joueur du championnat du Sénégal). Il l’avait remporté pendant deux années d’affilée (1977, 1978).
Après avoir marqué le basket sénégalais, le meneur de jeu s’était envolé en France pour poursuivre sa carrière. Atterri d’abord à Villeurbanne lors de sa première année dans l’Hexagone, le prodige va ensuite rejoindre l’équipe de Limoges CSP. Sous ses nouvelles couleurs, Mathieu avait réalisé un triplé historique en remportant le championnat de France, la Coupe de France et la Coupe de Korak (Tournoi européen) en 1983. Transféré au Racing CF puis à Nantes, l’ancien de la Jeanne d’Arc a terminé sa carrière dans le Nord de la France à Gravelines en 1992.
«Hall of Fame» depuis 2021
Le gamin de Dakar a aussi laissé ses empreintes en équipe nationale. Sélectionné pour la première fois à l’âge de 15 ans, il était auteur de prestations et de performances de haut vol. La preuve, Mathieu est le seul avec Oumar Dia « Adidas 2 » qui n’a jamais perdu un seul match en Afrique. Il avait permis au Sénégal de remporter les Championnats d’Afrique 1978 et 1980. Celui qui avait aussi participé à des championnats du monde universitaires et aux Jeux olympique de Moscou en 1980 avec le pays de la Téranga, avait décroché la médaille d’Or aux Jeux africains d’Alger en 1978.
Toutefois, l’ex de la JA estime que son palmarès en équipe nationale pouvait être encore plus riche. « Après le sacre de 1980 à Rabat, nous n’avons pas eu la possibilité de revenir jouer avec l’équipe nationale. Alors que de 80 à 90, dans les sept ou huit premières équipes de première division en France, il y avait un Sénégalais. Vous imaginez cette équipe nationale avec des Abderrahmane Ndiaye, Oumar Dia, Pape Moussa Touré …Il n’y avait aucune équipe qui pouvait tenir devant nous. Mais pour des raisons de règlements, on n’avait pas pu participer », regrette le meneur de jeu.
Une après carrière mouvementée
Tout au long de sa carrière, le joueur avait glané plusieurs distinctions individuelles. En plus de ses titres de « Roi » avec la JA et il était désigné MVP du Champion d’Afrique de Rabat en 1980. Depuis 2021, il est membre du FIBA « Hall of Fame ». Cette reconnaissance, l’ancien international ne l’avait pas volé puisqu’il avait misé sur sa technique exceptionnelle, qui est l’arme fatale d’un meneur de jeu, mais aussi sur sa rapidité. Sa grande taille (1m90) lui permettait également d’avoir l’avantage sur les autres meneurs qui mesuraient en général 1m80. Le géant de Karak était doté d’une vison de jeu hors norme.
Retraité depuis 32 ans, Mathieu Faye a aussitôt embrassé le métier d’agent de joueurs. Il avait ensuite épousé une carrière dans les affaires en étant administrateur de biens, conseillers en placement financier dans des cabinets d’assurance puis gestionnaire d’une chaîne d’hôtel. Il a été le vice-président de la Commission de développement de FIBA Afrique et membre de la Commission mondiale des joueurs. Parmi les penseurs du modèle de la Basketball Africa League (BAL), la légende est actuellement le président de la Zone 2 du basket, qui regroupe 8 pays de l’Afrique de l’Ouest.
