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« C’est à saluer que le Président Diomaye Faye ait cette initiative salutaire de convoquer en début de mandature des Assises autour de la justice »

Elhadji Ayé Maclick Diop, Secrétaire général national du SYTJUST

Le Secrétaire général national du Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust), Me Elhadji Ayé Boun Malick Diop, a vivement salué l’initiative du Chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye d’organiser des Assises de la justice à partir de ce mardi 28 mai au Centre international de conférences Abdou Diouf à Diamniadio. Pour cet acteur de la justice, au-delà de l’indépendance du pouvoir judiciaire qui doit être renforcée, le service public de la justice doit être également amélioré pour éviter l’accentuation d’un « disfonctionnement ». Me Diop appelle aussi à « tempérer les pouvoirs du Procureur de la République avec l’institution d’un juge des libertés » à l’issue de ces Assises.

Pertinence et nécessité des Assises de la justice

« C’est une initiative que nous saluons à sa juste valeur parce que l’idéal de la Justice est à poursuivre. A chaque instant, les Sénégalais œuvrent dans le sens d’améliorer la justice vers son idéal. C’est-à-dire avoir une justice indépendante le mieux possible mais aussi disposer d’un service public de la justice exempt de disfonctionnement. En ce qui nous concerne, nous disons que la réflexion doit être systémique, globale. On doit aussi bien réfléchir sur le pouvoir judiciaire dont on discutera son indépendance, nous devons aussi discuter de la qualité du service public de la justice dont l’objectif est de satisfaire les usagers de ce service. Nous allons insister sur l’amélioration de la qualité du service public de la justice parce que la mauvaise qualité du service public augmente la mauvaise perception que les Sénégalais ont de cette justice. La suspicion commence dès lors que les usagers peinent à obtenir des documents qu’ils cherchent au niveau des cours et tribunaux. Cela veut dire qu’aujourd’hui, à côté de la réflexion de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’Exécutif et les tenants des Assises doivent aussi réfléchir sur comment améliorer la qualité du service public de la justice pour la satisfaction des usagers. Dans ce sens, nous en tant que syndicat, nous pensons que l’Exécutif doit prendre conscience que le service public de la justice est rendu principalement dans les greffes. En fait, le greffe est le cœur et le poumon du service public de la justice. Quand un justiciable arrive dans une juridiction, il interagit avec les acteurs du greffe que sont les administrateurs de greffe, les greffiers et les autres fonctionnaires des greffes. Rare sont les cas où un usager du service public de la justice entre en contact avec un magistrat. C’est pour vous dire que l’essentiel du service public de la justice se fait au niveau des greffes. Cela doit interpeller les autorités de prendre en compte les doléances des acteurs des greffes qui ont des revendications mal prises en charge ce qui amènent des troubles comme les grèves. Et ces grèves accentuent le disfonctionnement du service public de la justice.

« Influer sur les TDR pour que les préoccupations relatives à l’amélioration de la qualité du service public de la justice soient prises en compte

 Nous, travailleurs de la justice, leader des syndicats des travailleurs de la justice, voulons inviter les tenants des Assises à aller dans le sens de faire de fortes recommandations pour appuyer le fonctionnement des greffes des Cours et Tribunaux. Tel est la position du syndicat des travailleurs de la justice par rapport à ces Assises. On aurait souhaité pour un meilleur déroulement des travaux qu’il y eut des concertations préalables. On devait en amont consulter les magistrats, recueillir leur point de vue, consulter les avocats et les greffiers. Il fallait consulter l’ensemble des tenants du pouvoir judiciaire et du service public de la justice. On aurait gagné en qualité des TDR. Mais comme on a l’habitude de le dire puisque le vin est tire, il faut le boire. Nous allons participer à ces Assises et essayer d’influer sur les TDR pour que les préoccupations relatives à l’amélioration de la qualité du service public de la justice soient prises en compte.

« Nous espérons que le meilleur pour la justice et le meilleur pour les Sénégalais seront tirés de ces réflexions »

Nous croyons fortement plus on est inclusif, mieux on aura des résultats probants. Aujourd’hui, les acteurs de la justice, ce sont les magistrats, les greffiers, les avocats et usagers. Ils devraient être au cœur des débats. C’est vrai qu’il y a des représentants des entités telles que l’UMS, le Barreau, le Syndicat des travailleurs de la justice et autres mais on devait élargir la base de réflexion avec les acteurs de la justice. Je crois que cela aurait mieux. Néanmoins, comme vous le savez, aucune œuvre humaine n’est parfaite. Ce qui à saluer, c’est le fait que le Président de la République ait cette initiative salutaire d’avoir convoqué en début de mandature des Assises autour de la justice. Cela dénote de sa préoccupation du renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire mais aussi de la qualité du service public de la justice qui entre en droite ligne dans le renforcement de l’Etat de droit, de la démocratie et du respect des libertés. L’objectif visé est que les citoyens aient davantage confiance en leur justice. Je ne suis pas au courant de l’uniformisation de l’âge à la retraite des magistrats. Mais, les débats seront ouverts et on verra ce qui est possible ou non. Quand on parle d’Assises, on va étudier tous les aspects des points mis en TDR. On ne saurait préjuger avant d’avoir étudié la question, des résultats. Nous espérons que le meilleur pour la justice et le meilleur pour les Sénégalais seront tirés de ces réflexions.

Sur la mauvaise perception de la justice par les citoyens et les pouvoirs excessifs du Procureur  

Je ne veux pas entrer dans des considérations pour faire un procès de la justice. Les citoyens ont une certaine perception de la justice qui peut être différente de la mienne en tant qu’acteur de la justice. Il y a beaucoup de choses qu’on dit de la justice qui ne sont pas du tout fondées. Je pense qu’on a une justice suffisamment indépendante qui a fait ses preuves. D’ailleurs, on a vu cette belle alternance qui y a eu lieu où la justice a fait preuve de son indépendance et montré qu’elle n’est pas aux ordres. Ce sont des questions qu’il faut étudier de manière objective et ne pas parler comme le commun des Sénégalais. Je suis du même avis que les gens qui pensent que le Procureur de la République a trop de pouvoir. En effet, il dispose de cette latitude de placer les citoyens sous mandat de dépôt. Il faut tempérer ce pouvoir avec l’institution d’un juge des libertés devant qui le Parquet et les parties concernées discuteront à égalité de l’opportunité un Sénégalais mis en cause en détention préventive. C’est mon point de vue depuis des années. Depuis que j’exerce dans la justice, j’ai la conviction que les pouvoirs du Procureur de la République en matière de détention sont énormes et créent un déséquilibre qu’il faut rectifier ».

Propos recueillis par ABLAYE DIALLO

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