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De la brutalité policière à l’horreur de la prison Reubeus, les ex-détenus racontent leur calvaire

Au fil des libérations des prisonniers politiques, leurs témoignages succèdent sur les plateaux de télé et les sites d’information en ligne. Ils reviennent sur les conditions de leurs arrestations arbitraires, les affreuses brimades, la répression sauvage et les actes de barbaries dont ils étaient victimes. Votre quotidien Yoor-Yoor vous livre certains témoignages de cette sombre page de notre histoire politique sous le magistère de Macky Sall. Des récits qui mettent à mal les affirmations de la ministre de la Justice, Aissata Tall Sall.

Par ABLAYE DIALLO

Cheikh Oumar Kassé, ex-détenu chambre 19 à Rebeuss, membre Pastef

«On y traite la jeunesse sans respecter ses droits humains»

« Je présente aussi mes condoléances aux familles des Patriotes tués lors des manifestations contre le report de l’élection présidentielle. J’étais parti rendre visite à la famille de la dame Amy Dia accusée injustement d’être membre des forces spéciales pour leur apporter mon soutien. J’ai été mis aux arrêts arbitrairement à l’intérieur de la maison. Des hommes en tenue que je prenais pour des gendarmes m’ont brutalisé alors que je n’avais pas opposé une quelconque résistance. J’ai été tellement surpris que j’aie cru que c’était des nervis à la solde du pouvoir. Le frère d’Amy Dia a essayé de s’interposer. Il a reçu plusieurs coups. La mère d’Amy Dia était en pleurs. J’ai été accusé de troubler l’ordre public et de participation à une manifestation non-autorisée alors que j’étais arrêté à l’intérieur d’une maison. On m’a amené à la section de Recherche de Colobane. Les gendarmes ont essayé de faire craquer pour que j’avoue des choses que je n’ai jamais faites. On était choqué de voir des membres du gouvernement nous accuser d’être des terroristes, des forces spéciales et des forces occultes. Je remercie tous ceux qui ont continué à se battre pour qu’on nous libère. A Reubeus, parfois, nos proches nous apporté pas à manger. On était obligés de manger la nourriture fournie appelée ‘’diagan’’. On y traite la jeunesse sans respecter ses droits humains ».

Sidy Mactar Kounta, ex-détenus chambre 41

«Mes pieds étaient enflés à tel point que je ne pouvais plus marcher»

« J’ai vécu une douloureuse expérience en prison. J’ai été arrêté alors que je partais rendre visite à mon grand-frère. Je suis sérigraphe de profession. Et chaque samedi, je partais rendre visite à mon frère aux Parcelles Assainies. Un policier m’a trouvé assis à l’arrêt du bus avec ma tenue de travail et m’a giflé. Entre l’arrêt du bus et la police des Parcelles Assainies, j’ai vécu un enfer. Les policiers prenaient tous les objets qu’il y avait dans la voiture pour me frapper au niveau des genoux. J’ai terriblement souffert. J’ai été malmené et humilié par les policiers. C’était lors de l’arrestation d’Ousmane Sonko. Les policiers ne m’ont même pas dit le motif de mon arrestation. On n’a passé deux jours dans la cage de la police sans manger ni dormir avant d’être déférés. On était tellement traumatisés qu’on a signé les procès-verbaux sans même les lire. C’est le juge d’instruction qui m’a dit que j’étais poursuivi pour actes de nature à compromettre la sécurité de l’Etat. Les policiers m’ont accusé d’être un membre de Pastef alors que ce n’était pas le cas. Mon premier jour à la prison 100 mètres, j’y suis entré à 15h. Je croyais que je rêvais. Quand on a demandé de nous déshabiller, j’étais abasourdi. Quand les pénitenciers ont ouvert la chambre 41, j’étais terrifié. J’y ai vu des hommes dépouillés de leur humanité qui vivaient comme des animaux. La surpopulation carcérale est telle que j’aie versé de chaudes larmes. La chambre était si étroite que les nouveaux arrivants étaient obligés de passer la nuit en restant assis. On était plus de 150 personnes dans une chambre. Il y a eu des problèmes d’hygiène. La nourriture était sans saveur. Au bout de 3 mois, j’avais la peau recouverte de boutons. Mes pieds étaient enflés à tel point que je ne pouvais plus marcher. Les autres détenus m’évitaient parce que la maladie était contagieuse. J’avais des plaies au niveau des pieds. À l’infirmerie, on m’a donné que deux compris. C’était l’horreur. J’y ai passé 7 mois sans voir les défenseurs des droits humains ».

Bassirou Diagne Bitèye, ex-détenus chambre 42 à Rebeuss

«Quand on sortait dans la cour, c’était l’occasion pour dormir et s’étirer après des nuits cauchemardesques»

« C’est une terrible épreuve que de vivre en prison. Je suis très ému. Je remercie ma famille et les amis qui m’ont soutenu quand j’étais en détention. J’ai été arrêté le 16 mars 2023. Je marchais tranquillement aux Parcelles Assainies pour rentrer chez moi. Une voiture de la police est venue de vive allure. Et les policiers se sont arrêtés et jetés sur moi un clin d’œil. Sur le trajet, j’ai dit aux policiers que j’étais étudiant. Cela les a rendus encore plus furieux. Un des policiers a pris la boite des grenades lacrymogènes m’a frappé sur la tête avec. J’étais dans la voiture avec d’autres jeunes qui ont été arrêtés. L’un d’eux était gravement blessé à la maison. Les policiers nous battu sans répit tout au long du trajet. A l’entrée de la brigade, j’ai été giflé par une meute de policiers enragés. J’avais le visage enflé. J’ai eu vu des deux jeunes en sanglots avec des t-shirts tachés de sang. Le lendemain, on a été déféré. J’ai passé ainsi 11 mois à Reubeus. J’ai été accusé d’être auteur d’actes et de manœuvres à compromettre la sécurité publique et de participation à une manifestation non-autorisée. On nous a déféré sans même soigner ceux qui étaient grièvement blessés. Il y a un jeune membre de Pastef qui était dans le groupe, il a reçu tellement de coups que du sang sortait de ces yeux. Le premier jour en prison, la chambre était tellement pleine que j’ai été traumatisé. La nuit même pour bouger un peu quasiment impossible. Il faut demander aux autres détenus de faire des efforts pour qu’on puisse de déplacer pour aller aux toilettes. Les conditions de vie sont inhumaines. J’ai passé des nuits en restant debout faute de places pour s’assoir pour dormir. Il y avait presque 200 personnes pour une douche. On faisait la queue pour aller aux toilettes. Quand on sortait dans la cour, c’était l’occasion pour dormir et s’étirer après des nuits cauchemardesques ».

Cheikh Fall, ex-détenu Chambre 3

«Je suis resté deux mois sans me laver en raison des boutons et plaies que j’avais au visage»

« J’ai été arrêté le 31 juillet 2023 à Ouest-Foire. Un ami m’a dit que Ousmane Sonko a été placé sous mandat de dépôt. Je lui avais répondu que ce n’était pas possible que notre leader soit en prison et que nous on reste dehors à vaquer à nos préoccupations comme si de rien était. J’avais une boutique au marché Petersen. Un gendarme a donné un coup de poing à mon ami. Un autre gendarme m’a giflé alors qu’on était tranquillement assis. Les forces de l’ordre étaient avec un chauffeur de taxi dont la voiture a été brulée. D’ailleurs, le taximan a dit aux hommes en tenue que nous n’étions pas ceux qui avaient mis le feu à sa voiture. Cela n’a pas empêché aux gendarmes de nous frapper sans retenue tout au long du trajet. Pire encore, une fois à la Gendarmerie de la Foire, ils nous ont frappé au niveau des parties génitales. On a souffert le martyr. Il y avait des éléments du GIGN et des nervis. Ils nous ont torturé. Le commandant de la brigade a demandé à se éléments d’arrêter leurs actes de barbaries pour ne pas lui apporter des ennuis. Mon ami et moi avons passé 7 nuits à la gendarmerie Foire avant d’être déférés. Quand mon frère m’a vu avec les menottes aux poignets et aux pieds, je me suis senti seul et démuni. J’ai versé des larmes en le voyant courir derrière la voiture de la gendarmerie qui m’amenait à Reubeuss. Les pénitenciers nous ont mis nus. Je me senti très humilié. Quand on a ouvert la chambre 3, la chaleur était suffocante et l’odeur nauséabond. Je n’avais même pas pu m’assoir en raison de la surpopulation de cette chambre. On était collés les uns aux autres. J’ai préféré rester debout car il n’y avait pas de place pour s’assoir et dormir. Je suis resté deux mois sans me laver en raison des boutons et plaies que j’avais au visage. J’avais également des boutons au niveau du pénis et des testicules. A un moment, j’ai cru que j’avais perdu la virilité. C’était affreux. »

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